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Disques

Ai Phoenix – Lean That Way Forever

AI PHOENIX – Lean That Way Forever
(Glitterhouse Records/PIAS)

AI PHOENIX - Lean That Way ForeverLe mystère est entier. Comment une chanson peut-elle évoquer la mélancolie et la gaieté à la fois ? Aucune idée, l’irrationnel émotif est ainsi fait. Il n’empêche que les chansons qui se situent justement à la frontière de la tristesse et de la joie sans jamais la franchir réellement, celles qui font se côtoyer le mode majeur et mineur sont parmi les plus belles que je connaisse. À tout moment on pressent que du lumineux elles peuvent trépasser et sombrer ainsi vers une noirceur insondable. Ces chansons évoluent en équilibristes sur un fil imaginaire et c’est ce qui les rend admirables. L’album d’Ai Phoenix évoque à merveille ce funambulisme musical.

Ce trio norvégien livre ici son quatrième album et sa nouvelle collection de chansons "attrape-cœur" par la même occasion. Ces chansons sont autant d’invitations douce-amères à la flânerie, aux pensées évasives, à l’éloignement de l’esprit. On envie déjà ceux qui se délecteront de ce disque sur la terrasse d’une villa ensoleillée, là où la chaleur annihile toute initiative. "Lean That Way Forever" contient le charme langoureux et répétitif d’un disque de blues oublié des années 3O… Et dire que cette musique vient du nord !
Ai Phoenix évoque également Mazzy Star pour ses ambiances éthérées, lentes et douces, pourtant, point de guitare saturée ici. "Lean That Way Forever" est aussi un peu l’album que Sparklehorse aurait pu enregistrer en collaboration avec une Ambrosia Parsley de Shivaree. Le goût des berceuses maladives du premier rencontre la voix minaudée de la seconde sur la base d’une passion commune pour le folk bucolique américain le plus intemporel.

Malgré tout, il y a chez Ai Phoenix une texture musicale bien distincte de toutes ces références. Il y a dans ses chansons une économie de moyen assez rare. La parcimonie est ici le maître mot. Guitares sèches, claviers, accordéons et banjos sont employés avec délicatesse et effleurement. Du coup, les voix et les instruments parviennent à l’oreille comme un ciel d’été vient caresser l’œil au petit matin, avec une clarté exemplaire. Des mélodies "ligne-claires" aussi limpides qu’un ciel azur.
"Ice-Cold Storm" illustre parfaitement cette combinaison gagnante par le biais d’une légendaire ballade de cow-boy jouée aux claviers moog et soutenue par une basse elliptique et des percussions minimales. De cette chanson d’une simplicité et d’un dépouillement déconcertants, surgit pourtant une étrangeté. Le décalage entre l’exercice de style auquel elle se confronte (la chanson de western) et le choix de son instrumentation (l’emploi exclusif des claviers), lui confère en fait une dimension surréelle. C’est en cela d’ailleurs que Ai Phoenix lorgne aussi du côté des Young Marble Giants, lorsque les chansons reprennent certaines structures basiques de la country, du folk et de la pop pour les polir, les dégrossir au maximum et n’en retenir que l’ossature principale. Ces genres musicaux sont ainsi réduits à leur plus simple expression et interprétés par des claviers tendrement désuets qui prennent la tradition à contre-pied.
Et rares furent les contre-pieds aussi délicats et charmants que ceux d’Ai Phoenix…

Monsieur Morel

A lire également, sur Ai Phoenix :
la chronique de "The Light Shines Almost All The Way » (2007)
la chronique de "I’ve Been Gone – Letter One" (2004)
Mountains and Castles
Bird Whispering
Elvis
The Song From Moulin Rouge (Where Is Your Heart)
Don’t Be Afraid
Revolution Gray
Ice-Cold Storm
Different Strauss
Breakfast
Hopscotch
Storyteller
Very Kind

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