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Concerts

Jesse Sykes and the Sweet Hereafter – Paris, le Café de la Danse, 10 mai 2004

JESSE SYKES AND THE SWEET HEREAFTER + GREAT LAKE SWIMMERS – Paris, Café de la Danse, 10 Mai 2004

Au Café de la Danse ce soir là, certains s’entendaient pour que s’illumine le crépuscule. Qui, de ces deux talents habilement repérés et pris en mains par l’excellent label Fargo, sera le plus doué pour construire les chansons les plus tristes avec le plus beau matériel mélodique ? C’est ce qui sera difficile à trancher ce soir. Car, sur ce terrain, les deux noms de cette parfaite affiche sont plus que redoutables, comme on a pu en avoir encore la confirmation en direct.
Tony Dekker, qui assure la première partie en solo pour son groupe Great Lake Swimmers, nous plonge d’emblée dans les sombres profondeurs de sa guitare folk et de sa voix enchanteresse avec un Moving Pictures Silent Films plus épuré que jamais. Le génial minimalisme acoustique qui berce l’album éponyme, se transforme sur scène en un dépouillement déconcertant. Perché sur son tabouret, la guitare éternellement ramassée contre son buste, Tony Dekker donne à ses brillantes compositions un tour de fragilité, de faillibilité qui fascine autant qu’il séduit. Le timbre voilé, les délicats arpèges magistralement posés sur ses cordes de guitare constituent les ingrédients imparables d’une parfaite alchimie entre l’artiste et son instrument. L’attitude évidemment sobre du jeune prodige, la force gracieuse de chacune des chansons confèrent à ce moment une solennité quasi religieuse. L’heure est au recueillement. Le chanteur au visage d’ange triste le récompense d’ailleurs largement, en offrant un titre inédit parmi les huit morceaux joués dans le set et en étendant ses qualités d’instrumentiste à de nouvelles versions pour ceux qu’il reprend de son album. Un très haut degré d’intensité musicale est ainsi atteint lors de la reprise avec harmonica de This Is Not Like Home, peut-être le titre le plus poignant de son répertoire à ce jour.
Après cette première partie exemplaire, il fallait une tête d’affiche à la hauteur. Ce fut le cas. Jesse Sykes and the Sweethereafter n’en sont plus à leur coup d’essai depuis la sortie de leur premier album l’année dernière. Point d’orgue d’une tournée européenne accompagnant la sortie de leur second disque (hautement recommandable), cette performance parisienne n’a pas pu décevoir l’audience de fans venue en nombre ce soir. Au folk acoustique de Great Lake Swimmers, succède donc un autre folk, plus nourri, plus arrangé, plus construit, mais tout aussi sépulcral, à l’image des chansons éponymes des deux disques Reckless Burning et Oh My Girl!, qui feront l’ouverture du concert. La bonne humeur communicative dont fait preuve le groupe entre les chansons n’est pas celle qui anime chacune d’elles. Un vent souterrain et froid souffle sur tous les titres interprétés. Et le réconfort n’est sans doute pas à chercher dans les paroles. On le trouvera donc dans l’harmonie musicale irréprochable qui submerge chaque morceau. Tout est parfaitement agencé. Au jeu sautillant de la chanteuse, dont la voix fantomatique compte évidemment pour beaucoup dans l’atmosphère gothique des morceaux, répond parfaitement la guitare électrique de son compagnon, d’une précision impeccable. A les observer ainsi discuter sur scène par instruments interposés, on comprend qu’on est bel et bien face à un couple. Les accords de la guitare folk n’ont pas de meilleur écho que les rapides enchaînements densément électriques assénés par le guitariste. Violon électrique, batterie et contrebasse leur sont alors un support efficace. On regrette donc l’absence de rappel, dû au manque de temps, mais le groupe avait de toute façon brillamment conclu avec un Lonely Still énergique et très convaincant.

Voilà un concert dont on ne ressortira peut-être pas le cœur léger, mais d’un strict point de vue musical, c’est une soirée parfaite commise par Fargo, d’ailleurs plusieurs fois salué par ses artistes lors de leur passage sur scène. On en redemande.
Jean-Charles

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