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Katerine, Francis Et Ses Peintres – 52 Reprises Dans l’Espace

Katerine, Francis et ses peintres - 52 reprises dans l'espace

On connaissait le goût de Katerine pour la relecture, les mariages chinois et les alliances contre-nature. C’était évident qu’il jouerait tôt ou tard avec le patrimoine du meilleur et du pire de la variétoche. Ayant cliqué comme un malade sur les étoiles et ayant grillé quelques neurones à mémoriser l’emplacement des meilleurs titres sur la carte des chansons offertes chaque semaine pendant l’année 2010, il est juste que je rende la pareille et paye hommage à cette plongée infernale dans la pop à la française de notre Orphée gras du bide préféré. Si le gâteau est un peu lourd à avaler (cinquante-deux titres quand même et d’Elli Medeiros à Guy Lux, tout de même), il faut quand même considérer l’œuvre comme globalement réussie malgré quelques scories (un peu comme quelques décorations en hostie qui ne valent jamais les roses en pâte d’amande mais qu’on mange quand même). Déjà, toutes les chansons semblent avoir été écrites par et/ou pour Katerine (oui, même « Papayou » chanté par le sympathique ami des enfants Carlos). La testostéronée, « Ma Benz », en sort dégonflée à mort comme après trois mois sans salle de sport (son « yo ! 93 style » est à mourir). « Un Lapin » de l’ancienne idole des jeunes, Chantal Goya, devient une sympathique chanson pro végétarienne habillée à la Jacno et chantée avec gourmandise par Katerine.

Katerine lave plus blanc et nous rend (à nouveau ?) audible d’anciennes scies radiophoniques et/ou nous éclaire sur des beautés cachées. « Sous le vent », magnifique, massacrée en son temps par les multirécidivistes Garou et Céline Dion (cf le clip infernal), acquiert une beauté et une légèreté magiques, portée par des vents (justement) gracieux et arrive sur le podium – à pied d’égalité – avec « Le loup, la biche et le chevalier » chantée en son temps par Salvador.

« Besoin de Rien, envie de toi » de Peter & Sloane et « Partir un jour » des 2Be3 ralentis à l’envi et éclairés par un soleil sud américain s’échappent des Champs Elysées et Hit Machine pour gagner les galons mérités de chansons idéales de dimanche matin sous la couette.

« La Queuleuleu » ou « Saga Africa » retrouvent tout le potentiel déprimant qui s’était caché derrière les couleurs flashy bleu, blanc, rouge, jaune et vert, sous lesquelles on avait tenté de les planquer. L’affaire est grave et Katerine tire au goal un suppositoire footbalistique : Noah en sort KO.

« Je pense à toi », d’Amadou et Mariam, autre grande réussite du disque, devient un brûlot, porté par des guitares en vagues de magma, qui doivent autant à Neil Young qu’aux baobabs du Mali. Au rayon résurrection, « Euroman », de Jean-Jacques Burnel, bassiste des Stranglers, très proche de l’excellent original, flirte avec le meilleur des Young Marble Giants. Katerine, grâce à son pas de côté, nous rend digestes les chansons de Nâdiya, « Roc » ou d’Ophelie Winter, « Tout le monde le fait » (avec un texte sur la masturbation et dont le clip initial, complètement à côté de la plaque, mérite d’être revu rien que pour voir l’auteur poudrée jusqu’aux yeux). « DJ » de Diams passe du statut de malédiction de supermarché à la franche rigolade chaloupée et parvient enfin à nous faire avaler des trucs a priori imbitables comme « laisse-moi kiffer la vibz avec mon mec ».

Katerine s’est très bien entouré avec Francis et ses peintres et ça ripoline sec : le « Sentimentale moi » de Plastic Bertrand est plein de contretemps et de cuivres free. On écoute tout sans regrets et on redécouvre des grandes chansons comme « Je ne veux pas rentrer chez moi seule », lacérée de grands coups de guitares et accompagnée de claps ou « Confidence pour confidence » format jazz rock avec des ponctuations de cuivre bienvenues.

Bien sûr, les reprises attendues sont réussies et même leur relecture plus potache que pour les autres n’entame pas leur puissance  (« Quand t’es dans le désert », « Toi mon toit », « Chacun Fait c’qui lui plait ».) mais Katerine, Francis et ses peintres touchent au chef-d’œuvre dada, avec leurs doigts pleins de sundae à la fraise, là où on ne les attend guère : « Le Cimetière des éléphants » de M. Eddy, tendu, post punk et tout en contrepoint drolatique avec la voix beuglée et surnasale (une trompe peut-être) de l’animal Katerine. « Le Douanier Rousseau » devient free pop, joue avec les dissonances et les percu tribales et enfin « Qui c’est celui-là » permet à Katerine de décoller et de se mettre en orbite, rajoutant une couche presque hardrock à la samba de Buarque déjà pas mal décalée par Vassiliu.

Si on regrette certaines absences pourtant évidentes (Gotainer, Taxi Girl…), on s’amuse beaucoup avec nos repères, nos souvenirs et avec les musiciens. Katerine, lui, a visiblement pris un malin plaisir à jouer avec son propre répertoire et ses propres mondes par des jeux de renvois, d’allusions et on pense sans arrêt à telle ou telle chanson de ses albums passés, comme avec « La Queuleuleu » qui prend des faux airs de « Jeannie Longo ».

Le côté transgressif de Katerine nous redonne goût à la variété française et nous débarrasse de la honte et de certains tabous. Une fois de plus, Katerine défonce les interdits et s’il a perdu quelques fans dans la bataille depuis sa récente médiatisation et (r)évolution, il chante, avec un chœur échappé de son dernier et pourtant pas si mal « Philippe Katerine« , « Ne partons pas fachés » et il a raison, une fois de plus. Katerine, hein, pas Raphaël ! Allez, revenez ! Venez plutôt chanter, venez plutôt danser !

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