Loading...
Disques

Midget! – Bois et Charbon

Midget! - Bois & Charbon

Après « Lumière d’en bas« , le très aérien premier album de Midget! sorti il y a 2 ans, Claire Vailler et Mocke étaient restés assez (trop !) discret. Une discrétion qui va bien avec leurs chansons bâties sur des poésies épurées et des mélodies graciles et élégantes. Ils reviennent cette année avec « Bois et Charbon », et pour ce nouvel album du duo, nous avons décidé de donner nos impressions en duo également.

Chloro : « Lumière d’en bas » avait un peu des airs de coup d’essai, avec des va-et-vient entre textes en anglais et en français, des chansons atteignant les sommets, et d’autres un peu moins envoûtantes. J’ai l’impression que ces hésitations, qui ont sans doute eu lieu pendant la préparation de « Bois et charbon » (elles sont à la base même de l’art de la musique pop), ne sont plus du tout apparentes ici : le duo s’est affirmé, tant sur le plan vocal, avec une présence de plus en plus importante de Mocke et une voix plus maitrisée de Claire, que sur celui des mélodies qui sont plus originales, moins linéraires, plus libres.

Matthieu : Eh bien, l’idée de chroniquer en tandem cet album était bonne puisque je ne suis pas du tout d’accord. Je considère « Lumière d’en bas » comme une grande réussite (au point de lui avoir donné une place de choix dans mon top 10 de 2012), dont les quelques « hésitations » apportaient justement une grâce certaine à l’ensemble. Une grâce non-dénuée de fragilité, qu’aux premières écoutes, je n’ai retrouvée que partiellement dans ce nouvel opus, qui est certainement plus cérébral que le précédent.

Chloro : C’est peut-être ce côté cérébral qui me plait. Cérébral et encore fragile (je trouve). L’album commence très fort avec « Les Remparts », une rythmique lancinante, une guitare plus aérienne que jamais et la voix de Claire Vailler mise (enfin) en avant. Une voix qui assume sa fragilité. Une fragilité troublante qui lui donne son intensité. Inquiétante et vibrante, « Les Remparts » est à la fois un très bon début et une assez bonne synthèse de l’ambiance de cet album.

Matthieu : Ce qui m’impressionne dans ce titre d’ouverture, c’est cette capacité à nous plonger, en une poignée de notes – la guitare de Mocke, quelques sonorités subtilement électroniques – dans une atmosphère ouatée des plus évocatrices, que je placerais non loin du « Come from heaven » d’Alpha (1997), dans son aptitude à jouer de la pop en nous faisant croire que c’est du jazz (ou l’inverse). Et puis, Claire et Mocke écrivent toujours des phrases à la poésie trouble – à l’image de leur musique – dont on a peine à délimiter les contours : « Il m’en coûte, j’ai de fausses joies, mais les arbres s’enroulent, se courbent au moindre de mes pas, puis se bousculent comme s’il n’y avait pas ce serpent sur ma nuque, ces aiguilles au bout de mes doigts ».

Chloro : Là, on est d’accord, et pour moi, « Rhapsodie » est dans la même veine que « Les Remparts » : on y retrouve cette voix qui tremble légèrement (« et tout ce qui tremble est vrai »), les enlacement entre cette voix et les arpèges sinueux de la guitare de Mocke, une mélodie à tiroirs savante et une construction audacieuse. « L’Occident » paraît plus classique, plus lumineuse. La bonne surprise sur le deuxième titre de cet album, c’est qu’on entend la voix de Mocke. Un duo d’auteurs compositeurs, c’est bien, et si ils chantent tous les deux, c’est encore mieux. Surtout quand les deux voix se complètent aussi bien qu’ici… jusqu’aux chœurs du pont mitant.

Matthieu : Alors, entre les acrobaties mélodiques (dangereuses) de « Rhapsodie » et le (faux) classicisme de « L’Occident », je n’hésite pas une seconde… À la construction tarabiscotée du premier morceau – que l’on pourrait apparenter à du folk progressif ! – je préfère nettement le groove subtil et assuré du second (cette rythmique, cette basse ronde…).

Chloro : Mocke chante aussi sur « Les Soupirs encore », qui commence gentiment, comme une autre chanson pop classique. Mais avec l’aide d’une guitare qui lui donne petit à petit des ailes, cette chanson s’envole, déclaration de liberté et belle illustration du « lâcher prise » du duo. Une de mes préférées de l’album.

Matthieu : Là, nous sommes d’accord. « Les Soupirs encore » est une grande chanson pop, lumineuse, avec toujours cette guitare inexorablement libre. Et la voix de Mocke n’est pas sans rappeler celle du jeune Dominique A, avec qui Holden, son autre groupe, a partagé le label Lithium à ses débuts.

Chloro : 100 % d’accord en effet ! « Gorge s’enflamme », ou « Echo » qui sont mes deux autres chansons préférées de l’album sont dans un style totalement différent. Sur la première, justement pleine d’échos, et d’harmonies enchanteresses, la guitare de Mocke se laisse (enfin) complètement aller. Sur la seconde, la voix de Claire Vailler me happe et me touche dès les premiers mots, et ne me lâche que sur le final. La guitare de Mocke qui semble plus sage ne fait que serpenter à nouveau entre facilité apparente et enchainements experts. Le tout au service de l’émotion qui atteint ici des sommets.

Matthieu : J’ai, pour ma part, une nette préférence pour des morceaux comme « Sans ombre cristal » ou « Chemin sans chemin ». Pour être plus précis, j’admire l’introduction musicale à rallonge du premier, qui semble convier Olivier Messiaen chez David Lynch, et le final presque post-rock du second.

Chloro : Je peux comprendre ça, et du coup, je suis sûr qu’on va être d’accord à propos de « Selda », qui termine l’album, et n’est pas en reste non plus niveau émotion. Mocke y est beaucoup plus discret (on n’entend sa douce guitare qu’à la toute fin), et c’est un piano qui tente de prendre le dessus, mais, ici encore, c’est la voix de Claire Vailler qui guide notre émotion. Un final sublime et délicat, à l’image de cet album que, vous l’aurez compris, j’adore.

Matthieu : « Selda » conclut effectivement en beauté ce savant et bien souvent passionnant « Bois et Charbon », avec ses arpèges de piano complétant à merveille la voix de Claire, qui va chercher les aigus telle une Jane Birkin insondable, accompagnée par un Gainsbourg qui aurait préféré Debussy à Chopin.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *