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The Byrds – Fifth Dimension

THE BYRDS – Fifth Dimension
(Columbia) [site] – acheter ce disque

THE BYRDS - Fifth DimensionEnregistré entre janvier et mai 1966, le troisième album des Byrds sort l’été suivant, accompagné des singles "Eight Miles High" et "Mr Spaceman". Moment pivot pour le groupe californien, qui développe un nouveau son inspiré par le cadre mélodique de la musique traditionnelle indienne, soumise à un ensemble de règles de composition canonisées entre le Ve et le Xe siècle. Pour faire simple, la musique raga devait réunir un certain nombre de conditions, de la même manière que la musique grégorienne en Europe : prescriptions concernant les notes à utiliser sans restriction ou au contraire avec modération, les mouvements ascendants et descendants, la gamme, etc. Tout cela semble à première vue restrictif mais permet en réalité de créer un canevas relativement strict au sein duquel une infinité de variations mélodiques sont rendues possibles à partir de trois svaras (que l’on peut vaguement comparer aux modes occidentaux) composées de cinq, six et sept notes. Les Byrds, en particulier McGuinn, influencé par le "My Favorite Things" de John Coltrane, expérimente à la guitare les fondamentaux du jazz modal, moins contraignant que les grilles harmoniques complexes du bebop, d’où un certain nombre de chansons ne se développant qu’avec trois ou quatre accords. L’incorporation de ces deux influences au son folk-rock dont les Byrds sont presque les initiateurs donne à cet inégal "5D" une dimension absolument unique dans l’histoire du rock, et il s’agit d’une étape capitale dans la maturation artistique de Crosby et McGuinn, tant au niveau de leur manière de composer que de leur futur parcours personnel.

L’album est avant tout connu pour "Eight Miles High", principalement écrit par le sous-estimé Gene Clark après une nuit passée avec Brian Jones dans les rues de Londres. Nul doute que le leader des Stones, passionné de musique orientale, dût en toucher deux mots à Clark… Ce titre est le chant du cygne du musicien, qui quittera peu après le groupe qu’il contribua à fonder en 1964 et dont il était le principal compositeur (on lui doit entre autres "I’ll Feel a Whole Lot Better", "Here Without You", "Set You Free This Time", "If You’re Gone"…). "Eight Miles High", véritable trip sonore à l’image du "Tomorrow Never Knows" des Beatles, servit de base à la redéfinition du son et de l’image de la formation, alors surtout réputée pour ses majestueuses reprises de Dylan. La plupart des musicologues considèrent ainsi qu’"Eight Miles High" est le premier enregistrement psychédélique de l’histoire, bien que ce soit discutable, les Holy Modal Rounders ayant sorti leur "Hesitation Blues" dès 1964. Ecrite en décembre 1965, la chanson des Byrds devance cependant de plusieurs mois "Revolver" et le "Psychedelic Sounds" de 13th Floor Elevators. Le départ de Clark s’avère finalement bénéfique et ouvre aux Byrds de nouvelles perspectives : McGuinn et Crosby se mettent à composer de manière régulière, avec plus ou moins de succès, le groupe opte majoritairement pour des titres originaux plutôt que des reprises et, surtout, s’éloigne du patronnage de Dylan. Le premier écrit le titre d’ouverture, "5D", dont le chant est la copie presque carbone de celui de Dylan dans un titre dont je vous laisse deviner l’identité, et le single "Mr Spaceman", deux explorations psychédéliques aux fastueuses textures, une nouvelle pierre à l’édifice y étant apportée avec la participation de Van Dyke Parks aux claviers.

A côté, Crosby fait un peu pâle figure. Sa reprise de "Hey Joe" de Billy Robert est bancale à souhait et s’avère absolument désastreuse en comparaison de celle d’Hendrix. "What’s Happening" n’est pas forcément mauvaise, mais paraît ne pas savoir sur quel pied danser, d’autant que le texte produit encore davantage de confusion avec ces questions insolubles et ces déclarations vagues. N’est pas Lennon qui veut… Au moins le titre est bien choisi. Autres pistes dont on se serait allégrement passer, notons le superficiel instrumental "Captain Soul" et le "2-4-2 Fox Trot" au goût pour le moins douteux avec ses insupportables bruits de moteurs d’avion. Ceux pensant que "In Search of the Lost Chord" des Moody Blues a horriblement mal vieilli vont devoir changer de mètre-étalon… Par contre, la collaboration entre McGuinn et Crosby, "I See You", se révèle intéressante, notamment grâce à la solide partie de guitare et à la sautillante batterie, et les deux traditionnels "Wild Moutain Hymn" et "I Come & Stand at Every Door" démontrent une fois de plus l’immense talent d’arrangeur du groupe et leur faculté à adapter magnifiquement les classiques folk à leur son.

"Fifth Dimension" pêche par un manque de cohésion flagrant et quelques titres de faible qualité. Bien qu’il soit toujours aussi passionnant plus de quarante années après sa publication, et pour une bonne moitié brillant, ce troisième LP semble surtout avoir servi de brouillon à la réalisation d’un des meilleurs albums de la décennie, "Younger Than Yesterday", qui paraîtra l’année suivante.

Julian Flacelière

 

5D (Fifth Dimension)
Wild Mountain Thyme
Mr. Spaceman
I See You
What’s Happening ?!?!
I Come & Stand at Every Door
Eight Miles High
Hey Joe (Where You Gonna Go)
Captain Soul
John Riley
2-4-2 Foxtrot (The Lear Jet Song)

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