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Disques

Arlt – Feu la Figure

Arlt - Feu la figure

« Prochain album presque écrit. Mais un album seulement écrit n’est pas encore un album. Il faut d’abord oublier qu’il est écrit. On n’enregistre pas d’album écrit. On enregistre un album dont on a oublié qu’il était écrit ». C’est ainsi, fébriles, que nous apprenions en septembre dernier sur la page de Arlt que le sublime « La Langue » allait avoir un successeur. « La Langue » : un premier album sec comme un coup de trique qui fait du récursif et de la transe vocale un art à part entière. Et si nous étions fébriles, c’est parce que depuis deux ans, cette langue ne nous avait pas quittée, nous suivant partout, nous transportant à dos de cheval, au pied des châteaux d’eau, nous trimballant de haut en bas, nous emmenant revoir la mer et les oiseaux (qui tombent). La musique de « La Langue » : vibrante, incarnée et brûlante fait partie des plus belles choses qui soient arrivées à la pop et au folk francophone au cours de ces dix dernières années. Alors oui, il y avait de quoi être fébrile à l’annonce de ce nouvel album. Début 2012, Arlt sort un 45t qui contient deux chansons : « Le Pistolet » et « Chien Mort Mi Amor ». Peut-être deux hommages inconscients aux « Happiness is a Warm Gun » de Lennon et « I Wanna Be Your Dog » des Stooges. Peut-être pas. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que depuis, nous attendons impatiemment la sortie de ce nouvel album.

La fébrilité était donc revenue en cette fin de mois d’avril : « Feu La Figure » arrivait dans les bacs, avec son lot d’animaux (un cheval, un chien, une baleine, un rhinocéros, une sauterelle), ses os, ses dents, et ses guitares impressionnistes. Une guitare rythmique et sèche comme un hiver canadien (celle de Sing Sing), une autre qui joue (avec nos sentiments) des arpèges sucrés (celle de Mocke). La plus grande différence, au niveau de la forme, avec « La Langue » est d’ailleurs cette présence plus marquée Mocke et sa guitare magique et planante. Deux guitares, voilà les deux seuls instruments que l’on entend sur « Feu La Figure » (à l’exception du – discret – bouzouq de Radwan Ghazi Moumneh sur « Une Sauterelle »). Deux guitares et deux voix. Deux voix qui se complètent et s’enchevêtrent à merveille. Celle de Sing Sing, grave et rugueuse et celle d’Eloïse Decazes douce et subtile. Deux voix chaleureuses qui transcendent la musicalité des mots (savamment choisis) de Arlt. Deux guitares qui jouent l’une avec l’autre au point de se confondre. Deux voix qui jouent sur le contraste en maniant les harmonies avec élégance. Deux guitares qui se font tantôt savoureuses, tantôt rebelles et saccadées.

« Feu La Figure » est, tout comme « La Langue », truffé de véritables trésors. « Le Périscope » est une chanson d’amour belle et intense à la sincérité éclatante, « Sans mes bras » une comptine qui semble avoir vécu en nous des années avant d’avoir été enregistrée par Arlt. « Une Sauterelle (dessinée par un fou) » est une berceuse charnelle à la poésie hirsute, et « Le Ventre de la baleine » une balade minimaliste mystique. Et les trésors ne sont pas que dans les textes ou les mélodies. La construction de « L’Eau froide », le pont jazzy et faussement déstructuré (et sublime) de Mocke sur « Chien Mort Mi Amor », et la fin orgasmique de cette chanson (trop courte malgré ses 7’29 »)… « Feu La Figure » est une malle à trésors. Les trois membres de Arlt avaient assurément réussi à complètement oublier que cet album était « écrit » au moment où ils l’ont enregistré en compagnie de Radwan Ghazi Moumneh dans les studios Hotel2Tango à Montréal… Et cela pour notre plus grand bonheur, puisque désormais, la fébrilité nous a quitté. « Feu la Figure » est un album qui se (re)découvre à chaque écoute, un album obsessionnel qui, à défaut d’être un album de chanson française, semble avoir été immergé dans le folk français pour en tirer la quintessence.

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