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Juana Molina – Un dia

JUANA MOLINA – Un Dia
(Domino / Pias) [site] – acheter ce disque

JUANA MOLINA - Un DiaLa liberté est une drogue dure. Quand on y a goûté, difficile de s’en passer. On aurait même tendance à augmenter les doses. A l’écoute de son cinquième album, "Un dia", il semblerait que Juana Molina soit sérieusement accro. Pour notre plus grand bonheur, et sans doute aussi le sien. Soucieuse de ne pas se laisser coller une étiquette, même aussi vague que "folktronica", l’Argentine se met en danger, poussant sa musique dans ses derniers retranchements plutôt que de se reposer sur ses acquis et son style facilement reconnaissable, à base d’arpèges de guitare acoustique mis en boucle et de claviers bidouillés. Si chacun de ses disques s’avérait plus aventureux que le précédent, "Un Dia" la voit carrément larguer les amarres et prendre le large.

Le morceau-titre, qui ouvre l’album, est ainsi un joli cas de déterritorialisation. Où sommes-nous ? Chez les Gnawas ? En Afrique subsaharienne ? Dans la forêt amazonienne ? Au carnaval de Rio ? Chez Animal Collective ? Laurie Anderson ? Ou bien dans le cerveau en forme de grand huit de Juana Molina ? La guitare, qui jusqu’ici constituait la base de la plupart de ses compositions, est absente ou noyée dans la masse, et ne fera que d’épisodiques apparitions sur le reste du disque. L’approche est beaucoup plus rythmique, répétitive, le morceau reposant sur d’étranges percussions tribales et des boucles de voix en mille-feuille, saturant l’espace sonore. Juana Molina chante là-dessus comme elle n’avait jamais chanté, à pleins poumons, dans une sorte de babil extatique, comme un enfant qui prendrait soudain conscience de la puissance de sa voix. Si les sept "chansons" suivantes, toutes assez longues, n’atteignent pas l’intensité de cette pièce fauve, sauvage, encore plus extraordinaire en live, elles en prolongent superbement la magie en ménageant toutefois quelques moments plus reposants.

Le risque était quand même grand de laisser l’auditeur à quai, de le perdre dans des méandres de sons, de l’exclure de la grande boucle (cf. la pochette en miroir) que constitue "Un dia". C’est tout l’inverse qui se produit : dès les premières secondes, on est happé par ce maelström sonore à proprement parler inouï, par cette transe contagieuse. Fée, sorcière ou chamane, Juana Molina a encore fait avancer la musique dans un monde qui recule.

Vincent Arquillière

A lire également, sur Juana Molina :
la chronique de « Son » (2006)
la chronique de « Tres Cosas » (2004)

Un Día
Vive Solo
Lo Dejamos
Los Hongos De Marosa
¿Quién? (Suite)
El Vestido
No Llama
Dar (Qué Difícil)

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