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Disques

Lescop – La Forêt

Lescop - La Forêt

Tokyo, Ljubljana, Paris, Los Angeles… Les cartes postales que Lescop nous envoie sont pleines de clichés. Clichés flous en noir et blanc, portraits de belles inconnues au regard charbonneux, polaroïds de potes en virée, cartes du tendre au cœur brisé. Les nouvelles sont souvent les mêmes, bulles de mélancolie énergiques, sans peur des mots, choisis minutieusement pour être lus à voix haute, presque chantés. Dans ses errances sans sommeil, il cherche la fille, la passante qui surgira dans un éclair. Un jour, une écriture féminine est venue se mêler à la sienne, voix fantomatique et vite envolée. D’autres jours, il glisse des citations, rend discrètement hommage à Mishima et « ses garçons de très grandes solitudes », à l’âge d’or du cinéma hollywoodien et ses actrices « fantômes aux dents du fond arrachées ». Des cartes plus sombres que celles que nous recevions bien des années plus tôt d’Etienne Daho, où les duels au soleil sont devenus des « rendez-vous improvisés sous la Lune ». Elles ressemblent aux lettres à l’encre de Chine que nous recevons encore parfois du survivant aux bras tatoués avec lequel nous avons passé tant de soirées à chercher des garçons et de la drogue dans ces boites des boulevards parisiens qui ont aujourd’hui disparu. « Paris s’endort » depuis bien longtemps, la nuit est ailleurs, rêve américain. C’est à Londres que Lescop enregistre la bande-son de ses cartes postales, habit noir et froid qui vient recouvrir l’écriture nue, parfois un peu brute. Cette musique familière qui nous plonge dans un passé fantasmé, à la sortie des usines de Manchester il y a 30 ans, direction les pubs enfumés, vient de garçons un peu hostiles, un peu punk, mais surtout terriblement pop. Une pop sombre, par moments délicate, toujours efficace, de celle qu’on écoute fort au casque. Dans un Prague-Budapest nocturne qui filait à travers la plaine il y a tant d’années, des livres plein les poches, jamais lus mais trimballés partout. Ou, toujours de nuit, enfant, sur les autoroutes de retour de vacances, plongé dans un état semi-gazeux, quand il n’y a plus de temps ni de lieu. Comme « Le Vent, » les cartes de Lescop « ramène[nt] de vieux souvenirs », « de vieilles images qui me reviennent », une familiarité qui s’installe à la relecture de ces lettres, touchantes, parfois maladroites, d’un inconnu dont j’attendrai la correspondance.  

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