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Disques

Michel Houellebecq – Le film du dimanche

MICHEL HOUELLEBECQ – Le Film Du Dimanche
(Alceste Musique) [site] – acheter ce disque

MICHEL HOUELLEBECQ - Le Film Du DimancheFort de l’unanimité (un peu suspecte) autour de son dernier roman « La carte et le territoire » et de sa victoire au prix Goncourt en novembre dernier, Michel Houellebecq a décidé de ressortir du placard deux chansons inédites et de les rendre disponibles en téléchargement sur iTunes ainsi qu’en écoute libre sur les sites de streaming. « Le Film du Dimanche » et « Novembre », soit deux poèmes de l’auteur mis en musique par l’immense Jean-Claude Vannier que l’on ne présente plus ou alors juste pour la forme.
Arrangeur pour Gainsbourg (« Histoire de Melody Nelson »), Fontaine (« Il pleut »), Polnareff (« Tous les Bateaux Tous les Oiseaux ») ou même Johnny (« Que je T’aime ») et compositeur aussi méconnu que génial (le chef d’œuvre « L’Enfant Assassin des Mouches »), Jean-Claude Vannier avait planché sur deux musiques pour « Présence Humaine », le seul et véritable album de Michel Houellebecq, publié au début des années 2000 sur le label Tricatel. Suite à un désaccord majeur entre l’instigateur du disque, Bertrand Bugalat, et Jean-Claude Vannier, les deux titres ne furent jamais publiés ; Burgalat considérant à l’époque essentiel « de garder une forme parlée et de ne surtout pas essayer de faire de chansons au sens traditionnel », tandis que le second souhaitant au contraire faire chanter l’auteur. Au milieu du divorce, Houellebecq, qui déclarait à la sortie du disque : « Moi, je les aimais bien ces deux chansons, elles m’avaient demandé beaucoup d’efforts ». En toute logique, il est probable que les titres qu’exhume l’écrivain aujourd’hui proviennent de ces sessions avortées.

« Le Film du Dimanche » et « Novembre » sont des chansons étranges, vaguement déglinguées, infiniment mélancoliques, assurément neurasthéniques à l’image de leur auteur. Quelques notes de violoncelle, deux ou trois accords de piano, un harmonica qui apporte une touche folk-blues inhabituelle et Houellebecq devant, en élève appliqué, qui esquisse une petite mélodie d’une voix mal assurée que l’on pourrait qualifier selon sa sensibilité musicale de touchante ou légèrement pathétique. Ainsi, au lieu d’apporter la lumière nécessaire pour rééquilibrer la balance, le choix de l’alternance parlé/chanté et les arrangements minimalistes renforcent encore un peu plus la caricature du personnage dépressif tentant de donner de la voix entre deux doses de Prozac et de Xanax. Un piège qu’avait judicieusement évité Burgalat à l’époque en invitant l’écrivain à psalmodier ses poèmes tel un prédicateur de supermarché Géant Casino sur fond de rock psychédélique et d’électro expérimental.

Reste les textes, du pur Houellebecq, une marque quasi déposée : pessimisme post-Schopenhauerien, romantisme à la fois suranné et ultramoderne, impression persistante de solitude et de perspective bouchée, constat amer et ironique que n’aurait pas renié Philippe Muray, lui aussi poète à ses heures perdues. « La France à la morale / il n’y a que moi qui vais mal / Les indicateurs de la confiance des ménages /sont passés au vert / Moi, je surnage » peut-on entendre en ouverture. Bref, pas de quoi faire tourner les serviettes.

Rémi Mistry

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Le film du dimanche
Novembre

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