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Shellac – Dude Incredible

Shellac - Dude Incredible

Novices, vous qui entrez ici dans la discographie de Shellac, veuillez entrapercevoir l’espoir sous forme de punk rock. D’ailleurs, rien que l’idée de vous imaginer découvrir Shellac (si possible sur scène), me fait remonter l’adrénaline de ma toute première fois. Habitués du trio, rien que le « This is Shellac record 14 » sur la pochette, vous comblera d’aise. Pochette minimale mais classieuse comme un écrin pour ce concentré de punk rock tendance hardcore voire math rock (non, non, amis popeux, ne fuyez pas) de cette machine de guerre musicale qu’est Shellac, soit LE groupe de Steve Albini mais on pourrait (devrait ?) dire celui du batteur Todd Trainer, figure centrale du dispositif majeur du punk rock américain.

Si on n’a jamais trop cru au power trio, force est ici de constater qu’on a raconté beaucoup d’âneries. Shellac est le power trio qui nous botte le cul et ce depuis quatorze galettes noires (on ne déguste le Shellac qu’en vinyle, comme il se doit, même si depuis « 1000 hurts« , Shellac, en généreux pionnier, insère le CD de l’album dans la pochette de ses vinyles).

Rien de nouveau ici, si ce n’est le changement dans la continuité : le son Albini pour Albini et ses potes. Une batterie qui claque, live et mate, des toms à se damner, des cymbales pas trop agressives. Une guitare aigrelette entre plans blues crado et hardcore méchant, le cul entre impro et jeu pro. Une basse soutenue dans les canons du genre, toujours élégante, accompagnant la batterie et/ou la guitare même si souvent l’impression générale est celle de trois instruments marchant ensemble à un rythme différent. La magie de Shellac est là : un groupe de potes sérieux et potaches à la fois, dingues de son et misant sur l’énergie du live (lire le compte-rendu de la carte blanche à Shellac à la Vilette Sonique par Vincent, par exemple).

On avait un peu peur de ce nouvel album : les nouveaux titres entendus en concert (selon leur méthode de travail habituelle, les nouveaux morceaux sont testés sur scène et les tournées échappent à toute promotion d’album) nous avaient laissés un peu dubitatifs. Pas d’évidence odysséenne à la « The End of radio » comme sur l’ »Excellent Italian Greyhound« , ou de « Prayer to god », tube du marmoréen « 1000 hurts ». Pourtant « Dude Incredible », le titre, et « All the surveyors », en ouvertures des deux faces, sont des total killers. Nous laissons-nous abuser par la joie d’écouter un nouvel album de Shellac ? Ces titres nous avaient tellement peu convaincus à l’époque ou, tout du moins, parus bien fades que nous sommes tout surpris de les trouver au sein d’un album peut-être finalement plus uniforme que le précédent. En tout cas, Shellac continue de tracer ses sillons sans qu’on puisse vraiment rapprocher « Dude Incredible » des autres disques du trio. Il ne s’agit pas d’une pure suite de « 1000 hurts », album matriciel, mais on pense inévitablement à « Terraform » pour certains titres instrumentaux et le retour sur un certain côté math rock (« Compliant », « Mayor /Surveyor »), ou encore à « Excellent Italian Greyhound » pour les blagues introductives (l’intro Monty Pythonesque de « All the surveyors » comme un écho à l’intro de la blague « Spoke »).

On se régale des guitares qui grattent et des basses dangereusement rondes sur « The People’s Microphone », ou encore en entendant Albini coasser étrangement sur « All the surveyors » et hurler comme un perdu, tel Michaël Lonsdale criant le nom de Venise dans Calcutta désert de Delphine Seyrig sur la demi-pochade hantée « Riding Bikes ». « Dude Incredible » force peut-être un peu sur son côté titre à tiroirs mais ses six minutes martelées, ciselées par un Todd Trainer puissamment métronomique rivalisant avec les guitares sales de Steve Albini ne peuvent que nous réjouir. D’ailleurs, comme à chaque fois, toutes les parties de batterie sont à tomber, toutes en contretemps (géniale « You came in me »). Il est grand temps de bâtir un temple à ce diable de Todd Trainer pour service rendu aux nations de batteurs ! Un esprit frappeur de cette trempe est bien rare et son conseil de prof de percussions d’écouter attentivement les parties de batterie de l’inusable « This Year’s Model » de l’Anglois Costello montre bien que l’Américain hardcoreux a du génie.

Question texte, on sent Shellac peut être encore plus vindicatif que par le passé, Foucaldiens hardcore soulignant par trois fois le panoptisme et la société de contrôle (« All the surveyors », « Surveyors », « Mayor/Surveyors »), les techniques d’amplification sonores issues des mouvements Occupy (« The People’s Microphone ») ou encore les conduites des bandes adolescentes (« Riding Bikes ») ou non (« Dude Incredible ») qui fleurent bon l’insurrection qui vient pour le meilleur et surtout pour le pire.

En tout cas, Shellac est revenu et fuck the king !

 

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