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Disques

Six Organs of Admittance – Hexadic

Six Organs Of Admittance - Hexadic

Ben Chasny est Dieu : tout le monde est d’accord. Ben Chasny sait toujours nous surprendre : c’est entendu. Mais Ben Chasny est un peu cinglé aussi. Evidemment.  Alors que son compagnonnage avec Elisa Ambrogio a emmené la folie furieuse des Magik Markers vers une écriture plus apaisée, presque classic rock (ok on exagère un peu) sur « The Immoralist » d’Ambrogio ou leur commun et peu banal « 200 years », Chasny, lui, s’éloigne vers des sphères de plus en plus lointaines et froides avec l’un des disques les plus arides de Six Organs Of Admittance à ce jour. De prime abord, on pourrait le prendre pour le versant noir de « School of The flower », pour les oppositions d’instruments jouant ensemble mais à côté l’un de l’autre. Mais la batterie pétulante de Chris Corsano laisse ici le champ à des percussions souvent éparses, dépressives, lorgnant avec insistance vers le désert d’Earth, à moins que ce ne soit la basse presque exsangue, vidée de toute tentative de groove (« Future Verbs ») qui plombe l’affaire ? Est-ce un nouvel album de Comets on Fire (la suite malade d’« Ascent » ?), errant à l’abandon, comme un vaisseau fantôme alien, dans les confins de l’univers en attendant une éventuelle contamination ?

La guitare de Chasny n’a jamais été aussi inhospitalière, rêche et acide. Quant à sa voix, elle est toute agression, distorsion. C’est dire si on hésite à le remettre sur la platine (« Maximum Hexadic », le titre bien nommé après lequel rien ne repousse).

Et puis, une newsletter de Drag city arrive avec la clé du mystère (c’est vrai qu’on avait oublié de fureter sur le site, un peu auberge espagnole, de Six Organs depuis quelques années) : Ben a mis au point un système de composition. Un truc à la Cage mais sans les pièces de Yi King : un truc à base de cartes de poker correspondant à des propositions. C’est graphique, c’est un langage. Comme on a de la chance,  et que Drag City veut bien perdre un peu d’argent, nous aurons droit à un livre explicatif et un jeu de cartes dessiné par Steve Quenell (le graphiste officiel de Chasny depuis une paire d’années). On espère un truc à la Cornelius Cardew ou plus certainement à la Brian Eno mais qui sentira un peu moins le patchouli et un peu plus la philosophie, la littérature  et l’occultisme, bien sûr (les auspices de Saint Bachelard ont été une fois de plus requis). Et puis un système qui choisit Stéphane Mallarmé comme Roi de Pique ne peut-être tout à fait mauvais. Pour ceux qui veulent en savoir plus, cliquer ici.

Alors, oui, Chasny est toujours le roi. Les textures sont incroyables, personne ne vrille la tête comme Six Organs Of Admittance et le voir jouer seul ou accompagné, avec ou sans son système, sera toujours un grand moment mais s’enfiler « Hexadic » quotidiennement et sans préparation reste une épreuve (même pour le final « Guild » et son atterrissage (enfin !) en douceur, il faut passer par une zone de turbulences aiguës). Et dire qu’il n’a choisi de garder que les titres les plus rock pour l’album ! Ben Chasny tient peut-être là son « Metal Machine Music » mais il est trop tôt pour en juger car malgré (ou à cause ?) des écoutes répétées, on est encore assommés par K.O technique. On se gardera donc « Hexadic » pour les longues soirées d’hiver (« l’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide ») sous la neige, la tête vers les froides étoiles, avec une écoute parcimonieuse, homéopathique, lorsque les oreilles reposées seront prêtes pour des aventures sonores décidément inouïes. La musique de Six Organs se mérite. Peut-être n’en sommes-nous pas encore dignes ?

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