"Beirut, The Rip Tide". Rarement aura-t-on vu visuel plus sobre que celui du nouveau disque de Zach Condon. Fini les pochettes en forme de photos-souvenirs fantasmées, parfaites illustrations de la musique sans frontière composée par le jeune multi-instrumentiste (road-trip vintage en Europe de l'Est pour "Gulag Orkestar", station balnéaire bourgeoise du début de siècle dernier pour "The Flying Club Cup").
La pop folk(lorique) de Beirut aurait-elle été délestée de ce qui fait sa particularité – un certain goût pour les voyages transatlantiques passéistes ? Que les amateurs du Beirut baroudeur se rassurent : pas tout à fait. Si Zach Condon s'est, dans la vie civile, confortablement établi à New-York après des années de nomadisme, il rêve toujours voyages ("Vagabond") même si moins lointains. Noms de villes ("Santa Fe","Goshen") ou de lieux précis ("East Harlem", "Payne's Bay"), à la seule lecture du tracklisting de l'album, on devine que la musique du cru 2011 de Beirut conserve toute sa puissance évocatrice.
Zach Condon ne s'est pas mis à la guitare électrique. Ni à la dance music. Les chansons aux mélodies tournoyantes que sont "A Candle's Fire", "Payne's Bay" ou "Vagabond" font toujours la part belle aux orchestrations cuivrées brouilleuses de cartes (Europe centrale ? Orientale ? Amérique du Sud ?). C'est cependant quand l'américain s'éloigne de ce son typique, qui est sa marque de fabrique, qu'il touche le plus : electro minimaliste (quasi) tubesque et (presque) dansante de "Santa Fe", sobre piano-voix du poignant "Goshen", pop baroque dépressive de l'impeccable "Rip Tide" et, surtout, une ballade crève-coeur indépassable et d'autant plus addictive qu'elle est particulièrement courte – à peine plus de deux minutes. "The Peacock", c'est le nom de cette petite merveille de chanson poétique où musique et texte se complètent parfaitement. « He's the only one who knows the words » répète à l'infini Condon en conclusion de ce petit bijou. Difficile d'expliquer pourquoi, mais c'est triste. Et beau. Aussi.