Loading...
Festivals

Black Bass Festival (Braud-et-Saint-Louis), les 2 et 3 septembre 2016

Vendredi 2 septembre

Départ un peu tardif de la maison oblige, combiné en plus à des problèmes d’orientation finalement d’une incidence faible : j’arrive sur les lieux du Black Bass festival aux alentours de 21h. Troisième édition du festival, c’est aussi l’occasion de retrouver un lieu toujours aussi bien balisé, agréable, avec une équipe au complet très sympathique. Celle-ci a plus que bien bossé et sorti une belle surprise de son chapeau, à savoir une scène considérablement agrandie : 130 m2 au lieu de 48 ! Mais c’est avant tout pour la musique que je suis là, et ça tombe bien car les Bordelaises (osons le féminin, malgré la présence d’un jeune homme à la batterie) de Le A sont sur scène. Membres du collectif du Fennec, elles sont bien connues des amateurs de live sur la région, et les progrès du groupe sont bel et bien là : leur rock, inspiré (sans plagiat) de Warpaint et autres groupes plus psychédéliques, ne manque pas de profondeur, d’élégance mélodique (elles ont de belles voix bien mêlées), de puissance (deux guitares bien noisy) et de maturité. Dès cette entrée en matière, la barre est déjà placée bien haut.

La première pause pour moi est aussi bien occupée à reprendre mes marques dans ce site qui reste toujours aussi accueillant, à la taille parfaite pour avoir de l’espace sans perdre de vue les deux scènes. En effet, ce qui était dévolu aux DJ sets l’an passé est désormais une vraie scène, où jouent à ce moment The Doctors, que j’entends de trop loin pour bien juger (du synth rock qui a l’air musclé). A propos de muscles, c’est J.C. Sàtan qui prend la suite sur la grande scène. On les entend de loin, c’est certain, et pour ma part c’est bien la huitième fois que je les vois. Le plaisir est à peu près identique, même si je mets un peu de temps à rentrer dedans, car la puissance du groupe est telle qu’il n’est pas évident de se frayer un chemin dans le maëlstrom créé par la guitare d’Arthur, la puissance vocale de Paula, la section rythmique massive. A l’échelle du groupe et dans un style garage tsunami, quelques titres restent incontournables (“Crystal Snake”, “Dragons”, “Satan II”), et les cinq musiciens laissent la scène après une heure de tornade, qui a fini par remporter l’adhésion de tous et rappelé que le groupe reste une machine de guerre en live.

Les Bearded Basterds sur la deuxième scène maintiennent le niveau sonore autant que faire se peut, mais c’est bel et bien une pause salvatrice pour les festivaliers. Ceux-ci seront un peu moins nombreux quand commencera Be Quiet, et c’est dommage car le groupe (encore un) soutenu par la Pépinière du Krakatoa a fait très belle impression. Les cinq jeunes membres du groupe déroulent sans sortie de route un rock fortement imbibé d’influences shoegaze, noise et new wave, envoyant de grandes nappes de claviers rehaussées de guitares puissantes. Plusieurs titres sortent clairement du lot (“Ichor”, “Arcade” ), à parfaite équidistance entre les velléités synthétiques et la puissance globale, sans oublier un sens mélodique réel. Je trouve même un caractère “dansant” à certains titres, qui se sont enchaînés avec réussite pendant une heure sans temps faibles. Il est temps de quitter le site pour glaner un peu de repos, pendant que l’équipe du festival termine la soirée aux platines.

 

Samedi 3 septembre

Ariel Ariel

Cette deuxième soirée commençait bien plus tôt, et était aussi bien plus pop. Le temps est au beau fixe, et cela colle parfaitement à la pop chatoyante d’Ariel Ariel. Habitué du festival (présent en 2014 avec Pendentif, il était simple spectateur l’an passé), il est comme un poisson dans l’eau sur la grande scène, et ses acolytes sont tout aussi à l’aise. Les mélodies généreuses de l’EP sont parfaitement restituées, c’est chaleureux et dansant (“Mon île”, “Comme toi”), c’est à la fois léger et très consistant, complexe dans les lignes mélodiques mais parfaitement clair à suivre. Blandine Millepied, aux chœurs et autres joyeusetés, est un parfait complément tout en sourires à Ariel, qui semble très heureux d’avoir pu profiter pendant une cinquantaine de minutes de ce beau lieu. Le plaisir était aussi grand pour les spectateurs (et même les très jeunes spectatrices, les enfants étant les bienvenus au Black Bass avec des spectacles qui leur sont réservés l’après-midi).

Le changement de scène est certainement moins radical que le changement de style entre la pop ensoleillée d’Ariel Ariel et le rock tendu au possible de DONE. Mais c’est aussi là le plaisir des festivals, et la force compacte des quatre musiciens confirme le bien que l’on pensait de leur EP, la capacité à rester sur un même niveau de dureté pendant 45 minutes, avec une section rythmique toujours aussi efficace, des influences de Fugazi à Sonic Youth bien assumées et digérées, et là encore (une constante chez les groupes au Black Bass) un plaisir manifeste de jouer dans ce cadre. Eh bien moi, je ne joue pas, mais je ne traîne pas non plus, et vais me trouver une place au calme pendant le concours de air guitar, au cours duquel je fais une interview – à retrouver bientôt – avec Ariel Ariel.

C’est l’heure du bain après ça : Piscine s’escrime sur la petite scène. Doté d’un sérieux sens du calembour à en juger par les titres des morceaux, c’est pourtant avec une implacable énergie que le trio assène un math-rock très noise. L’énergie est palpable, communicative aussi à en juger par les innombrables slams dans le public : après tout, c’est une belle façon de s’assurer que son mouvement de crawl est parfait. Entre “Philippe Lucas” (l’ancien entraîneur au look improbable de Cromagnon peroxydé), “Brasse touché-coulé” et “Chlore” notamment, on peine à reprendre son souffle, noyé sous une batterie qui propulse les deux guitares. Eh oui, pas de basse, ce qui peut annoncer…

The Inspector Cluzo

The Inspector Cluzo ! Ce nom dit forcément quelque chose aux amateurs de rock français, car la réputation du duo landais a depuis largement dépassé les frontières de son département, de son pays aussi avec une belle cote de popularité au Japon. Leur rock très basique (guitare-batterie seulement) a l’immense vertu de l’efficacité, c’est exécuté à la perfection mais avec aussi un vrai brin de folie chez Laurent Lacrouts à la guitare. Il ne se prive pas d’éructer au micro, revendiquant ses racines campagnardes contre ces “métropoles de merde”, chambre l’organisation “qui nous harcèle pour qu’on vienne depuis des années” tout en réaffirmant sa proximité avec les valeurs du festival. Mais il ne fait pas que parler, et c’est avant tout en furieux guitariste, blues et rock avec ce qu’il faut de garage, qui emporte tout en s’appuyant sur le truculent Mathieu Jourdain à la batterie. Les chansons sont d’une puissance rare, efficaces jusqu’à la dernière seconde, à tel point que les plombs sautent pendant le set ! Peu importe, le duo ne s’en laisse pas compter, reprend son rock bulldozer et continue son chambrage avec l’explosif “Fuck the Bass Player”, au titre explicite et joué à fond de caisse devant Nick Olivieri qui jouera quelques minutes plus tard. Et à la fin du set, on n’était plus trop sûr que Mondo Generator était la tête d’affiche de la soirée, tant les Landais avaient frappé un grand coup.

The Inspector Cluzo

Mondo Generator

Pourtant, Nick Olivieri, membre fondateur des Queens of The Stone Age, n’est pas le premier venu, avec à sa tête un sacré palmarès de chansons et de disques marquants. Visiblement en très bonne forme et heureux d’être présent (il était sur le site dès le premier jour), il a pris à la rigolade les amicales moqueries de The Inspector Cluzo sur les bassistes, confrérie dont il fait partie. Puis avec ses troupes de Mondo Generator, c’est en trio massif qu’il répond : le niveau sonore est au diapason du rock proposé, aux influences stoner et hardcore bien senties. Avec deux incursions chez Queens of the Stone Age (“Gonna Leave You”, “You Feel I Ain’t Worth a Dollar, But I Feel Like a Millionaire”) pointe la sensation de toucher du doigt l’impossible, à savoir (re)voir le groupe de Josh Homme dans des conditions aussi idéales que le Black Bass Festival. Mais ce serait injuste que de passer sous silence le reste du set, d’une puissance monolithique qui laisse un peu groggy mais procure un plaisir intense, avec des riffs écrasés de soleil, et la démonstration qu’il n’est pas besoin d’être nombreux pour proposer un son surpuissant. Le set d’une heure clôture cette édition record pour le festival.

Mondo Generator

En effet, aux 900 personnes du premier soir ont succédé 1 300 personnes le samedi, soir la première soirée sold out dans l’histoire du festival. Au regard des efforts de programmation, de l’accueil toujours aussi chaleureux et d’une organisation au poil, ce n’est que justice pour l’équipe de ce festival qui sait décidément grandir avec constance et sérénité, tout en gardant à l’esprit ses spécificités. Au Black Bass, on vient pour l’accueil, on reste pour la musique. Vivement début septembre 2017 !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *