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Disques

Boys – Rest in Peace

Boys - Rest In Peace

La twee pop n’est pas morte. Elle nous envoie régulièrement de ses nouvelles lorsqu’on ne pense plus à elle, s’incarnant dans de nouveaux corps, de nouvelles entités car l’adolescence prolongée est éternelle, permanente dans sa régénération. Sa nouvelle forme, pour nous, est un LP, sorti en 2018 chez Punk Slime Records, du groupe Boys, side project de Nora Karlsson, venue d’Umeå pour déprimer à Stockholm, comme tout le monde, et plus connue pour être la guitariste-chanteuse de Holy. Et il est essentiel. Et magique.

Essentiel car il contient tout ce qu’on aime comme cette voix aiguë si fragile mais qui veut tutoyer les anges (la trinité Moe Tucker, Alison Statton, Georgia Hubley, …), cette pop de peu avec quelques accords de guitares gentiment plaqués mais un peu vifs tout de même (le coup de griffe du chat alangui) et les claviers ondulants qui finissent de prolonger la mélancolie dans des nappes de modernité.

Rien de nouveau sous le soleil noir, me direz-vous. Non, et c’est ça qui est bien mais Boys a en plus le petit truc qui fait la différence : tout un tas de petites astuces de production qu’on attend jamais vraiment tout à fait dans ce genre qui a fait florès dans le lo-fi. C’est cette irruption, dans un « Hemtjänsten » déprimant à souhait, d’accords saturés rageurs puis d’une échappée Velvetienne (3du nom) sur des claviers flageolants et, là, c’est notre petit cœur affolé qui vacille (deux fois).

A propos du thème évoqué par « Hemtjänsten », la déprime des (jeunes) chômeurs obligés à des travaux d’aides à la personne en contrepartie d’aides sociales (bientôt chez vous, ne soyez pas si impatients !), on vous invite à lire la bande dessinée de Pelle Forshed, « Histoires de famille » (« De Anhöriga), parue chez L’Agrume. On apprend bien plus de choses sur la société suédoise dans les BDs de Forshed (« This is Stockholm » notamment) que dans tous les (mauvais) polars nordiques du monde. Et son dernier, non encore traduit, « Under Tiden » est une bombe apocalyptique pour survivalistes de banlieue. Fin de parenthèse.

Sur « Rabbits », c’est la Motown déménagée à Sheffield et chantée par Françoise Hardy avec une tyroïde sérieusement Tchernobylée. Et on adore cette déchirure dans le mix, en pleine déclaration amoureuse. Que c’est malin, que c’est bien.

On est sans cesse caressé dans le sens du poil (de lapin) et titillé par un petit détail, une petite coquetterie qui vient nous réveiller d’un coup de trique comme par un moine zen facétieux (les vents, les grondements, le sax acide, ou encore le field recording sur la fin de « End of Time »).

Comment ça vous n’êtes pas déjà conquis ? Amoureux ? Alors il y a « Love isn’t on my mind », réellement grisant, avec ses claviers ivres sur cette rythmique raide, et, surtout, ces décrochages permanents, ces scansions shoegaze, brouillonnes, qui achèvent de nous perdre avec des perturbations bruitistes alors qu’on n’a (presque) pas quitté le canevas simplissime du départ. Une profondeur donnée à chaque instant sur des images et patterns simples, c’est du grand art, tel cette belle production sur une batterie laid back et une basse dilettante – mais, attention, toujours efficace- dans « What If You Would Die », qui donne cette impression de groupe de copains de lycée qui se révèlent requins malins hyper pro en studio.

Si on a aimé, il y a quelques années, plus que de raison, Papercuts ou « The Pains Of Being Pure At Heart« , on peut adorer sans honte ni crainte ces glorieux Boys avec qui on en prend pour perpet’ avec ce « Rest In Peace » d’anthologie.

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