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Disques

Camille – Ilo Veyou

Camille - Ilo Veyou

Camille exagère, elle fait l’intéressante, elle se la joue bizarre, singularité revendiquée et marquée du sceau d’une inventivité narcissiquement déclarée. Voilà en substance les reproches de ses détracteurs, il faut dire assez solidement étayés par cette sortie de route évidente qu’a été « Music Hole » : percussions corporelles, human beatboxes, usage un peu approximatif de l’anglais, prestations scéniques exacerbées, personne ne semble lui avoir fait entendre  assez fort son refus d’une Björk à la française. Elle a passé outre, tant pis pour elle et le public. Les choses auraient pu en rester ça, si un certain désir de raréfaction sonore (prises directes), de musardise (formes variées) et d’errance (enregistrement dans divers lieux) n’avait présidé à la naissance, sous de chouettes auspices, de son quatrième disque ; quant à celle de son enfant, honnêtement, on s’en soucie peu. Aussi, ni le récitatif haletant (plus qu’allaitant) posé en ouverture, ni les quelques défauts de ce disque (titre foireux, chansons-onomatopées) ne retiendront notre attention. Il faut dire qu’en trente-cinq minutes, Camille a décidé de passer du coq à l’âne, et d’annuler par l’accumulation (quinze chansons tout de même), l’effet de ce qui précède. Et elle envisage tous les registres (folk dépouillé, chansons structurées par des canons médiévaux, parodies, etc.) comme autant de manières de se déployer sans arrêter sa forme. Il y a donc à boire et à manger pour qui aime à faire le tri dans ses différentes manières. Du côté de la pure déconnade, difficile de savoir ce que valent vraiment « Allez allez allez » (potacherie sympathique) ou « La France » (parodie de chanson nationaliste), qui semblent faites pour l’instant, et pas plus. Du côté d’une certaine « chanson française de qualité », le single « L’étourderie » semble ravir tous les suffrages, mais le morceau est également volatile, aussi charmant qu’inconsistant. Du côté de l’exercice de style enfin, cela brasse à tout va (jazz, chanson de troubadour, science-fiction chantée). Il faut vraiment aller chercher dans les recoins pour trouver de très belles choses, d’ailleurs pas du tout étouffées mais valorisées par la proximité de ces bulles légères et fragiles : « She Was », élégie animalière consacrée à la mère, « Le Banquet », ode à la vengeance amoureuse, ou le conclusif « Tout dit », suspendu, gracile et péremptoire. Honnêtement, on ne voit personne d’autre qu’elle pour écrire ces morceaux-là, pour creuser ce sillon un peu dérangeant d’une féminité qui a largué les amarres et cherche du côté du vitalisme, du mythe, de l’épuisement de soi la force de l’incarnation. « Ilo Veyou » est donc un petit manifeste d’affranchissement, de plaisir singulier, de fuite, qui ne trouve guère d’écho que chez Jean-Louis Murat ou Brigitte Fontaine dans la chanson d’ici.

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