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Disques

Depeche Mode – Spirit

Depeche Mode - Spirit

Réglé comme une horloge (un album tous les quatre ans depuis « Songs of Faith and Devotion »), Depeche Mode revient avec « Spirit », l’album le plus minimal du groupe à ce jour. Le 14ème volet de leur discographie s’ouvre en douceur vers de nouvelles palettes sonores et se démarque par des textes plus engagés que jamais. 

Depuis la déception « Playing The Angel », à chaque annonce d’un nouveau Depeche Mode on se met à espérer que le groupe va se bousculer un peu. Non pas en souvenir de son passé glorieux (une carrière irréprochable jusqu’au pourtant mal compris « Exciter »), mais plutôt pour une sérieuse envie d’entendre des compositions plus aventureuses. Même si en relativisant, rares sont les groupes de la même génération ayant réussi à rester aussi pertinents sur la longueur. Depuis « Playing The Angel », cette pertinence semble plus être liée au talent des producteurs qu’à des compositions de qualité. L’arrivée de Gahan à l’écriture n’a rien arrangé. Même si comparé à « Little James » de Liam Gallagher, première chanson du chanteur à figurer sur un album d’Oasis, on peut sans mauvaise foi affirmer qu’il s’en est sorti avec la mention « passable ». Oasis, comme Depeche Mode, est longtemps resté sous le joug dictatorial d’un unique compositeur refusant toute collaboration.

Qu’attendre du successeur de « Delta Machine » à l’heure où Gore, Gahan et Fletcher on été affectés par le Brexit et la montée en puissance de Trump ? Du haut de leur tour d’ivoire, on les sait depuis toujours ouvertement de gauche et concernés par la politique. Ayant connu et décrit l’ère Thatcher, il paraissait évident que nous n’allions pas écouter des chansons sur la foi et la dévotion. On espérait des textes énervés et des chansons plus musclées. 
Le premier single, « Where’s The Revolution » nous a conforté de ce point de vue même s’il ne laissait rien augurer d’exceptionnel. L’arrivée de James Ford (Simian Mobile Disco, Arctic Monkeys, The Last Shadow Puppets) à la production ne semblant pas avoir d’impact marquant sur le son. 

« Going Backwards », en ouverture, sonne comme un classique instantané de Depeche Mode. Montant en puissance progressivement, c’est un morceau taillé pour l’ouverture des concerts comme seul Martin Gore en a le secret. Un seul bémol, cette fâcheuse manie qu’ont les producteurs, depuis Tim Simenon sur « Ultra », de recycler les sons des vieux classiques du groupe. 

D’entrée de jeu, et ce sera une constante sur « Spirit », on remarque à quel point les harmonies vocales de Gore et Gahan sont sublimes lorsqu’elles s’entremêlent. Rien de nouveau, mais de ce point de vue, les ex frères-ennemis atteignent un sommet semblant difficile à dépasser. Les titres les plus faibles s’en retrouvent sauvés in-extremis. De manière générale de « Scum » à « Poorman » Gahan réalise des prouesses pour appuyer les propos. « Spirit » est un disque aussi vocal que musical.

Plus on avance dans l’album et plus on remarque à quel point le groupe est allé à l’essentiel musicalement. Cette option « less is more » est l’innovation principale du disque. Ce tour de force met subtilement en avant le propos pessimiste des textes. Le groupe se débarrasse au passage de quelques lourdeurs de pseudos « blues gothiques » qui plombaient parfois les albums les plus récents. « Eternal » et ses paroles naïves en apparence résume cette approche à la perfection. Quelques notes apocalyptiques montant en crescendo appuyant la voix et le texte de Gore avec intensité.

Gahan est monté d’un cran au niveau du songwriting. Plus intéressantes que par le passé (on pense surtout à « Cover Me » et sa longue outro instrumentale), elles s’intègrent mieux à l’album et lui apporte une cohérence qui manquait parfois. Chose étonnante, c’est même Gore qui signe le titre le plus faible avec un « So Much Love » peu inspiré. 
Il se rattrapera sur « Fail », titre clôturant l’album et dont il assure les vocaux. Ni plus ni moins du même niveau que « Home », il constitue le sommet du disque. « We are fucked » déclame Gore sur fond de synthé glacial. On espère un jour entendre un album solo avec des compositions de ce calibre. Ce serait le seul moyen d’entendre à nouveau un album écrit à 100% par l’un des meilleurs compositeurs qui soit, toutes générations confondues. 
En attendant et comme à chaque fois depuis le plantage « Playing The Angel », nous allons devoir nous contenter du meilleur album de Depeche Mode depuis bien longtemps. Un album cohérent et avec une âme. Nous avons enfin retrouvé le groupe que nous aimions tant et, miracle, il ne se plagie pas. « We are fucked », certes, mais Depeche Mode ne l’est pas encore.

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