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Disques

Fontan – Le Jazz acrylique

 Fontan - Le Jazz acrylique

Avant que d’évoquer le disque, racontons un peu, pour l’anecdote, comment il nous est parvenu. Il y a quelques mois, une étrange nouvelle faisait le tour des réseaux sociaux : une plainte de la chanteuse Lio aurait conduit les gendarmes du Gard à démanteler un réseau de CD contrefaits. Curieusement, sur les photos des exemplaires saisis, on ne reconnaissait que des rééditions du mythique label Ze records (dont les albums de Lio), laissant supposer que l’histoire était un peu plus compliquée que cela… Là-dessus, dans une discussion en ligne, un certain DC Shell nous informait qu’il avait justement sorti un album chez Ze et proposait de nous l’envoyer. Quelques jours plus tard, l’objet, posté « par un matin froid, de la poste lilliputienne de [son] hameau tarnais » (sic), était dans notre boîte aux lettres : “Le Jazz acrylique”, par Fontan.

Le jazz se réduit ici à quelques échos, ou fumées bleutées. Quant à l’acrylique, la belle pochette (l’objet est emballé avec autant de soin qu’un pressage japonais de This Mortal Coil) laisse penser qu’il s’agit de peinture plutôt que de textile. Fontan semble d’ailleurs un peu aborder la musique comme un peintre, mi-abstrait, mi-figuratif. Ou comme un sculpteur de matière sonore, reverb, fuzz et larsens, à l’ancienne, à l’opposé du tout-numérique actuel. Ou encore comme un mécano qui retaperait de vieilles bécanes chromées pour la beauté du geste. L’album est bref, mais on devine que son auteur y a passé du temps – après tout, rien ne presse. “Le Jazz acrylique” est un peu le pendant européen d’un beau disque tout aussi inclassable et sorti de nulle part, enregistré par un Français installé aux Etats-Unis et sur lequel on avait écrit il y a 17 ans, “Film” de The Blasco Ballroom.

Les amateurs de popsongs bien charpentées ne seront pas à la fête. Pas vraiment de refrains ici, pas de gimmicks qui restent dans le crâne, mais des morceaux parlés-chantés – en anglais – sur un riff de guitare qui tourne en boucle (“Free Press Provo”), du flamenco au ralenti qui finit par se dissoudre dans les effets sonores (“The Drowned Metropol”), du Bauhaus sous tranquillisants joué au fond d’un tunnel (“Colossus”), du blues liquéfié, et partout un sens de l’espace que n’auraient pas renié David Sylvian, Mark Hollis, Michael J Sheehy ou, plus près de nous, le trop méconnu Benoît Burello alias Bed. Tout ici est spectral, baigne dans un profond mystère, semble venir d’un lieu et d’une époque indéterminés. DC Shell, graphiste dans le civil, vétéran underground, a éduqué ses oreilles au post-punk bien raide et à la new wave française, mais semble aussi chercher l’écho des studios Sun ou de la Factory quand le Velvet y répétait.

Le dandysme de la chose pourra fasciner ou agacer, mais il est peu probable que cette musique laisse totalement indifférent. Fontan a fait le disque qu’il voulait, comme il voulait. Ceux qui, pendant une grosse demi-heure, veulent échapper à l’ordinaire, sauront saisir cette bouteille jetée à la mer.

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