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Disques

Hayden – Hey Love

Hayden - Hey Love

Il y a quelques années, plusieurs sites internet annonçaient par erreur le décès de Paul Hayden Desser. L’existence même de cette vilaine rumeur, heureusement infondée, en dit long sur la discrétion avec laquelle le résident de l’Ontario administre depuis longtemps sa carrière. On peine à le croire au regard de sa faible notoriété actuelle, mais Hayden fit pourtant, au mitan des années 90, l’objet d’une bataille acharnée entre quelques majors sondant alors les eaux troubles du rock alternatif à la recherche d’un nouveau Kurt Cobain. Signé pour un million de dollars (!) sur une sous-division de Geffen Records, le Canadien connut pour un temps les joies toutes relatives du grand cirque médiatique (le clip de l’inusable « Bad As They Seem » tournant même sur le réseau MTV), avant de revenir à une approche artisanale et indépendante plus en phase avec les humeurs noires de son folk-rock tourmenté.

Deux décennies et quelques chefs-d’œuvre (« Skyscraper National Park », « Elk-Lake Serenade ») plus tard, le ténébreux Hayden est un artiste reconnu dans son propre pays, mais demeure partout ailleurs une sorte de trésor caché. Ses disques précédents ne font pas l’objet de rééditions deluxe, ses concerts européens se font rares, mais lui, au moins, est bien vivant. Deux ans après un splendide « Us Alone » passé une fois de plus inaperçu dans nos contrées, le musicien poursuit sa collaboration avec le label Arts & Crafts pour un huitième album enregistré majoritairement en solitaire dans son home studio de Toronto. Sensible et captivant, « Hey Love » explore à sa manière la thématique amoureuse et ajoute une pièce essentielle dans les rouages de l’œuvre autobiographique du songwriter. Une œuvre qui parvient plus que jamais à faire rimer beauté avec simplicité.

En treize titres sans fard et sans exubérance, Hayden balaye le spectre d’un style singulier, où le folk-rock intimiste flirte dans un même élan retenu avec la soul (« Troubled Times ») ou la pop (« Nowhere We Cannot Go »). Si elles s’encombrent de peu sur le plan instrumental, ces chansons ne sont pas pour autant condamnées à l’austérité. Il suffit ainsi de quelques notes de synthé (« Nothing Easy Feels This Good ») ou de l’âpre va-et-vient d’une guitare menaçante (« Just Come Out Tonight ») pour apporter le soutien nécessaire aux confessions de l’artiste. Sommet de l’album, « Time Ain’t Slowing Down For Us » s’engage d’abord sur une piste faussement entraînante avant de ralentir le rythme, refermant alors sur l’auditeur son implacable piège mélancolique. On pourrait encore évoquer une intense chanson-titre qui devrait donner des idées à The National, ou « No Happy Birthday », évocation sobre et émouvante de la relation entre le chanteur et sa fille.

Autant se l’avouer, ce nouveau chapitre discographique ne changera probablement pas la donne. Les fans de Paul Hayden Desser s’égosilleront une fois de plus à crier au génie, confortés dans leurs certitudes par cette nouvelle réussite éclatante. Les autres, hélas beaucoup plus nombreux, continueront d’ignorer l’existence de cet artiste majeur, qui s’affirme depuis 20 ans comme l’un des plus beaux ambassadeurs du spleen nord-américain.

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