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Concerts

Hurray For The Riff Raff – Point Éphémère, Paris, 26 octobre 2017

Reconnaissons-le, nous étions un peu passés à côté de Hurray For The Riff Raff (HFTRR) jusqu’ici. Malgré son excellent accueil un peu partout, nous n’avions pas écouté l’album sorti cette année, “The Navigator”, pas plus que les précédents, et nous n’avions pas vu non plus le groupe au festival Les Femmes s’en mêlent au printemps dernier. Sur la foi de quelques vidéos live et des recommandations d’amis au goût sûr, nous nous sommes convaincus de la nécessité d’un rattrapage.

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Direction le Point éphémère, donc, correctement rempli ce soir-là, avec une proportion notable d’Américains. Chose logique : HFTRR est pour l’instant surtout connu sur ses terres, mais les choses pourraient bien changer. Alors que la voix de Nina Simone retentit dans les enceintes (“I Wish I Knew How It Would Feel to Be Free”, extrait de l’album “Silk & Soul”), les cinq musiciens font leur entrée. Si elle n’a pas la beauté élancée de la claviériste, la chanteuse et guitariste Alynda Segarra – le groupe, c’est elle avant tout – aimante immédiatement les regards malgré l’éclairage en contre-jour peu avantageux, avec sa frange, son haut multicolore et sa minijupe en vinyle rouge. C’est une frangine portoricaine (le drapeau de l’île est fièrement déployé sur scène), qui venait non pas de Spanish Harlem comme chantait Lavilliers, mais du Bronx – pas très loin, donc. De quoi se forger un sacré tempérament et une solide conscience politique.

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Les deux premiers morceaux, “Life to Save” et “Nothing’s Gonna Change My Girl”, font figure d’échauffement et promettent le meilleur pour la suite. Qui arrive dès la chanson suivante : “Hungry Ghost”, tube en puissance du nouvel album (qui constituera l’essentiel du set), avec sa ligne de basse aux accents post-punk et ses gimmicks de clavier. Alynda pose sa guitare, ce qui lui permet d’être beaucoup plus mobile, et laisse libre cours à un charisme affolant. Cette fille est de la trempe d’une Patti Smith ou d’une Chrissie Hynde, parlant haut et fort, mais ne se complaisant jamais dans la posture de la rebelle, ex-hobo tatouée, forcément anti-Trump. Son engagement pour la “community” est nourri par sa vie, son expérience, et notamment la redécouverte de ses racines portoricaines dont “The Navigator” porte la trace.

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“Rican Beach”, “Just the Way You Are” (un inédit magnifique, à l’allure de futur classique), “Living in the City” (d’une puissance digne de “People Have the Power”)… Tous les morceaux font mouche, portés par la voix superbe d’Alynda, les solos ciselés du guitariste Jordan Hyde, l’énergie et la cohésion des musiciens. La vision de l’“americana” de HFTRR dépasse aujourd’hui les frontières de La Nouvelle-Orléans ou Nashville – les domiciliations successives du groupe – pour embrasser le continent tout entier. L’intense set d’une heure se clôt ainsi sur le bilingue et vibrant “Pa’lante” (“en avant” ou “continuez d’avancer”), chant d’espoir adressé par Segarra aux siens.

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En rappel, le quintette se fait plaisir en reprenant “Dancing in the Dark”. Difficile de se planter avec ce qui reste sans doute l’un des plus grands morceaux de Bruce Springsteen, mais encore faut-il en livrer davantage qu’une simple copie. Ici, le tube connu par cœur est revisité avec un enthousiasme juvénile et une joie simple qui émeuvent profondément. S’il est peu probable que Hurray For The Riff Raff vende un jour autant de disques que le Boss et joue dans des stades, le groupe s’inscrit clairement dans sa lignée, celle d’une musique populaire digne, humaniste, ancrée dans la tradition mais ouverte à la nouveauté. Quand, backstage, nous disons à Alynda combien le concert nous a plu, elle nous remercie d’une petite voix presque timide, sincèrement touchée. Nul doute qu’elle va devoir s’habituer à ce genre de compliments.

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