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Disques

Ian William Craig – Centres

Ian William Craig - Centres

Aimer une musique peut parfois passer par une confrontation à l’inconfort. Ian William Craig avec ce premier album sur Fat Cat Records signe un grand disque volontairement malade et désaxé qui plaira à ceux qui se retrouvent dans les dérives de Tim Hecker.

C’est étrange parfois l’attirance que l’on ressent pour certaines musiques. Je parle ici de ces auteurs qui se plaisent à salir, à rendre inconfortables leurs compositions. De Xiu Xiu à Tim Hecker, ces musiques dont on sent l’extrême douceur nappée derrière des monceaux d’effets comme un voile pudique. C’est ce qui en fait l’insoluble originalité mais aussi la capacité à nous désaxer.

Peut-être n’avez-vous jamais entendu parler du canadien Ian William Craig mais c’est un peu normal. Jusqu’à présent, il officiait plutôt dans des sphères ultra-underground. Peut-être l’aviez-vous repéré avec son disque précédent, « A Turn Of Breath » sorti en 2014. Cette fois-ci, le monsieur est signé sur l’excellent label Fat Cat Records qui compte dans son écurie pour ne citer qu’eux Max Richter ou C.Duncan.

Rien de bien nouveau sur ce nouveau disque par rapport aux productions passées de Ian William Craig, toujours les mêmes sublimes idées de composition obéissant à la versatilité de leur auteur.

Il en faut du culot pour commencer un disque comme celui-là par une longue odyssée de 10 minutes et ce « Contain Astoria Version » comme un dubstep froid à la James Blake qui s’acoquinerait avec Tim Hecker et Riceboy Sleeps, le projet en 2003 de Jonsi de Sigur Ros et son compagnon Alex. C’est une belle entrée en matière qui permet de poser les fondations d’une musique mouvante qui jamais ne choisira vraiment entre l’expérimentation et une Pop déviante. Delays, Reverb seront les maitres mots de ce disque qui ressemble à s’y méprendre à un shoegazing débranché et décharné. Ne vous laissez pas piéger par le titre trompeur de « A Single Hope ».

« Drifting To Void On All Sides » plonge dans les eaux sombres d’une rivière et l’on y devine les fulgurances de Hildegarde Von Bingen ou plus proche de nous d’Akira Rabelais. Chez Ian William Craig, il y a un perpétuel jeu avec la dissonance mais ici posée non pas pour provoquer mais pour apporter du contraste et servir de faire-valoir à la beauté fugace. Qui connait les disques de Matthias Delplanque par exemple entrera ici en terres connues.

Chez Ian William Craig, on sent cet espèce d’écartèlement entre deux aspirations, l’une de laisser un chaos sonore se répandre, de l’autre côté maîtriser une forme de fragilité. Prenez « The Nearness » construit autour de sa seule voix et de quelques nappes qui se transforment bien vite en déflagrations saturées.

Il y a aussi un grand travail sur les textures vocales, nombre des titres qui constituent le disque sont élaborés autour de sa voix utilisée à part entière comme un instrument. Prenez « Set To Lapse » ou « Power Colour Spirit Animal » . On se pose d’ailleurs la question de savoir si les mots dits ont plus d’importance que la manière de le dire. Un peu comme quand nous écoutons nos disques usés jusqu’à la corde de Cocteau Twins.

Ce qui est sûr, c’est que la personne dont on peut le plus rapprocher Ian William Craig, c’est Tim Hecker. Tiens, comme c’est étrange, les deux messieurs sont nés à Vancouver. Qu’a donc cette ville de particulier pour donner à ces deux-là cette envie de créer ce son au bord de la réalité ?

Là ou Ian William Craig est peut-être le plus fort, c’est quand il recentre le propos dans la concision comme sur l’épuré mais irradiant « Arrive Arrive » ou sur « Purpose Is No Country ». Il y chante un mysticisme sans dieu, une messe sans église.

« A Circle Without Having To Curve » rappelle les circonvolutions bruitistes de Squarepusher quand « It Need Not Be Hopeless » diffuse les idées d’un Autechre apaisé.

En fin de disque, Ian William Craig finit de brouiller les pistes avec « Contain Cedar Version », petite merveille Folk. Avec lui, il ne faut pas trop s’habituer à trop de constance et c’est tant mieux.

Pour ceux qui se laisseront guider par « Centres » de Ian William Craig, ils y trouveront tout un monde à découvrir, un monde fait d’humeurs volatiles et fuyantes.

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