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Disques

Karen Dalton – 1966

Karen Dalton - 1966

On aurait pu s’attendre à un album posthume pour la légendaire folk-singer Karen Dalton, disparue depuis maintenant 19 ans, ou encore à une compilation de raretés afin d’en découvrir un peu plus sur celle qui n’enregistrait que très peu (deux albums seulement en 1969 et 1971). On se retrouve avec un résultat hybride, un non-album à l’allure de démo, enregistré tout juste avant son premier disque. 1966 est le second enregistement de ce type, après un premier enregistrement publié en 2008 (« Green Rocky Road »). La justesse dans l’interprétation de Dalton, d’une aisance incroyable, tient ici à l’absence de recherche de rendu sonore. Pour celle dont la légende veut qu’elle rechignait à enregister, il s’agit là d’un moment privilégié d’intimité musicale.

Cette compilation d’enregistrements de répétitions prend tout son sens avec le recul des années. Sans l’artifice d’un mix studio, on conserve la prise brute (parfois inachevée) avec son grain d’origine et un simple habillage : un fade-in et un fade-out au début de chaque morceau. Nos seuls compagnons sont la voix de Karen Dalton, sa guitare, un banjo parfois (“Katie Cruel”, « Mole In The Ground », ), ou encore plusieurs duos avec son époux Richard Tucker (“Other Side To This Life”). Près de la moitié des morceaux constituent des reprises de Tim Hardin (“Shiloh Town”,“Don’t Make Promises” et “Reason to Believe”) et de Fred Neil (« Other Side To This Life » et « Little Bit Of Rain »). En comparant avec les morceaux qui seront réenregistés dans les futurs albums, on perçoit clairement un exercice d’interprétation plus qu’une volonté d’idéaliser la beauté musicale de la folk (on peut comparer la version de « Little Bit of Rain » avec celle enregistré pour son premier album en 1969). On retiendra au passage le magnifique “Green Rocky Road”, seul morceau à nous faire réellement oublier les conditions artisanales dans lesquelles il a été enregistré.

Un tel objet en 2012 contraste évidemment avec l’artifice musical que constitue la génération du numérique, où la performance est tronquée au départ, et la prise est idéale à l’arrivée. Ce « 1966 » est au contraire d’une authenticité trop rare, sans tricherie. On pense aux bootlegs sur l’internet, enregistrés avec les téléphones portables aujourd’hui, qui célèbrent une expérience personnelle mais imparfaite de la musique, avec un auditoire qui retranscrit ce qu’il a entendu, sans trucage. Faut-il, pour retrouver ce parfum si particulier, enregistrer le musicien avec les moyens artisanaux de son époque ? Au vu d’un tel résultat, tout nous porte à le croire.

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