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Kurt Vile – Bottle It In

Kurt Vile - Bottle It In

Après un « B’lieve I’m Going Down » porté aux nues médiatiques, le sale gosse de la six-cordes s’est retrouvé les poches pleines mais un peu à poil et a choisi de ne pas se heurter à l’écueil de l’album d’après, suivant deux axes : revendiquer d’autant plus son passéisme (pochette caricaturale avec photoshopage imitant l’usure du temps) et ouvrir de multiples portes sans renier ses origines ni ses fondamentaux. Point d’unité classique comme dans l’album précédent mais unité de son dans des formes variées. « Bassackwards » maltraite l’atmosphère bluegrass du morceau à coup de ponçage de claviers en glissando, comme si le psychédélisme californien contaminait l’essence country. Le frelatage est de règle dans ce “Bottle It In” à l’image du titre éponyme, dans lequel le heavy rock le plus lourd et charbonneux côtoie l’acidité des notes piquées de la harpe (de Mary Lattimore, un peu partout sur le disque. Très bonne idée discrète et charmante) sur fond de souffle (le vinyle, les bandes : ça souffle et ça craque, non ?) rappelant les expérimentations d’un Stefan Mathieu. 

Sur quelques titres, parmi les meilleurs, Kurt Vile étire très heureusement la sauce, y compris lorsqu’elle sert à assaisonner des titres les plus classic rock, a priori, car ici tout est faussement vintage et pas vraiment moderne non plus. « Check Baby », soit « Money for Nothing » meets « Brothers in Arms » sur le lit de braises ardentes de « To Bring You My Love », avec claviers Real World et soli AC/DC s’il vous plaît. « Skinny Mini », longue échappée graisseuse aux motifs gazeux répétés avec passage de plusieurs couverts de guitares, sur nappes de claviers.

Voilà des morceaux qui accrochent tout de suite l’oreille et donnent envie de dériver sur ce prog-heavy-country-rock. Restent les autres dans lesquels on se dilue aux premières écoutes, pourtant non dénués de charme mais qui jurent un peu dans leur proximité avec les autres petits brûlots immédiats (« Loading Zone », soit du Bruce Springsteen déménagé chez les cousins sudistes, donne l’impression que Kurt Vile a dû sécher pas mal de cours de sport pour massacrer Lynyrd Skynyrd sur sa guitare).

Puis, il y a le(s) retour(s). Le petit goût de reviens-y. « Come Again » donc, bien bou(s)eux. Du blue grass prog ou, mieux, du square dance dépressif, parce que le monsieur ne fait pas non plus dans la joie de vivre (« Mutinies »… soit l’alliance du vieux monde, le joint des hippies et du nouveau, les pilules à tout-va du trumpisme). C’est une Delivrance lysergique. Et avec (presque) des infrabasses.

Idem pour « Rollin With The Flow », nashvillesque au possible avec Crosby, Stills et Young au comptoir jouant des coudes avec Malkmus et David Berman de Silver Jews, parrains tutélaires au même titre que les sus-cités. On ne s’étonnera pas de lire le nom de ce dernier dans la liste des remerciements au côté de l’inévitable Madame Cassie. Encore un qui rend hommage à la musique des white trash sans se renier. Ni oublier les sons et héros d’un passé plus récent : ainsi Cass McCombs apparaît sur “Bottle It In” et Kim Gordon donne du feedback sur une guitare acoustique (?!) dans « Mutinies ».

On pense à Richard Hawley dans la ballade « Cold Was the Wind », hyper classique au fond et pourtant sur une pente glissante alcoolisée avec arrangements au petit poil, quasi hip hop, et souffle, bien entendu, comme jamais. Dira-t-on à quel point l’atmosphère de l’album rend tout à fait compte d’une petite dépression familière et sur le long terme traitée avec les moyens légaux (drug et liquor stores aussi essentiels dans la vie de ce jeune papa bien d’aujourd’hui que Walmart et McDo) et illégaux de l’Amerloque moyen ?

Are you ready for the country, certes, mais jamais sans ma codéine.

« Hysteria », tout comme « Yeah Bones », a également ses vertus un peu dans le genre de Ducktails, soit une pépite soft rock idéale pour une sunshine dépression.

Disons qu’en s’immergeant peu à peu dans ce disque à couches, on trouvera à chaque plongée différents plaisirs qui nous rendent bien sympathique ce jeune branleur (ah, cette façon de parler de son entourage et de rendre hommage à ses proches de manière discrète), porté sur les mélanges de genre et les stupéfiants de toutes sortes, sacré superstar un peu vite mais qui en poursuivant son (déjà long) petit bonhomme de chemin garde les pieds sur terre et chérit autant ses racines que ses envies d’ailleurs.

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