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Passion Pit – Gossamer

Passion Pit - Gossamer

Idéalement, Proust a raison contre Sainte-Beuve : l’homme, c’est l’Oeuvre, et l’appréciation de celle-ci devrait se faire dans un immense flou biographique – pour rendre grâce au travail du créateur, abordé dans l’état exact de Marie avant la Visitation. Et voilà qu’on vient de se faire piéger en lisant sur Pitchfork un copieux article de fond sur Passion Pit dont on écoute depuis quelques semaines le nouvel album avec trouble et incertitude. Alors quoi : « Gossamer », bouse jaillie d’un rectum pop irrité ou chef-d’œuvre potentiellement flatulent ? On ne sait plus, on doute, tout ça parce qu’on vient d’apprendre que la vie du leader-chanteur Michael Angelakos était – et est encore – un cauchemar psychiatrique avec bi-polarité invalidante, hôpitaux en pagaille, désespoir, et j’en passe. Et nous de réécouter fébrilement cet album en essayant de guetter les signes – ce clavier est-il maniaco, cette ligne de basse dépressive ? – alors qu’au départ on était pas plus convaincu que ça. Le penchant people détruira le monde, commençons par les disques.

Après examen, « Gossamer » est aussi sautillant qu’un boy-scout sous barres énergétiques, et il ne reflète les malheurs d’Angelakos que dans des textes assez frontaux (une de ses tentatives de suicide relatée dans « Where We Belong »). Pour le reste, on dirait un pont aérien qui ravitaillerait une base ELO – pourquoi pas E.P.O ? – en friandises du moment ou d’avant-hier : samples Avalanches, déchaînements rythmiques Animalement collectifs (quoique millimétrés), poinçons Daft Punk et, bien sûr, dégoulinures R’n’B. L’ensemble, assez indistinct, est épuisant – notamment les voix perpétuellement doublées, triplées, quadruplées – mais touche à l’occasion avec ses accents de pop transgéniques et hyperglycémiés (« Take A Walk », « It’s Not My Fault, I Am Happy »). 

Oublions maintenant la bio révélée du sieur Angelakos, les cataclysmes internes en bandoulière, etc…, et nous chancelons vite sous le poids d’un disque un peu benêt, couinard, plein comme un melon trop mûr. La « wilsonite » de « Gossamer » n’est peut-être pas assez grave encore – à moins que nous ne soyons immunisés contre l’art-thérapie musicale ?

Mais ne dégoûtons pas les amateurs de sensations grosses (plutôt que fortes) et de sourires enfichés sur le visage comme la cicatrice de l’Homme Qui Rit. Et il est presque certain que Passion Pit trouvera un refuge accueillant chez les fans de M83 fatigués de boursouflures new-waves et désireux de boursouflures tout court. Heureux hommes (qui n’écoutent pas Marcel) !

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