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Concerts

Rock en Seine, Saint Cloud, du 23 au 25 août 2019

Retour sur l’édition 2019 de Rock en Seine, où la présence de The Cure le vendredi a un peu écrasé le reste de la programmation, pas toujours très cohérente. D’Aphex Twin à Deerhunter en passant par le meilleur du rock français, le festival aura quand même réservé d’autres bons moments sur un site nettement moins encombré que le premier jour.

Vendredi 23 août

Eels

On arrive autour de 19h et il est bien évidemment trop tard pour se placer aux premiers rangs de la grande scène. Les fans de Cure sont là depuis 14h et ils prennent leur mal en patience jusqu’à l’arrivée de Robert Smith et sa bande. On jette un coup d’œil discret sur les deux derniers titres du set de Jeanne Added et on part voir Eels. Mark Oliver Everett est visiblement en forme en ce début de soirée. La petite heure du concert de Eels font la part belle à une sorte de blues-rock dont quelques accents à la ZZ Top ne sont pas pour nous déplaire. D’étonnantes reprises (“Raspberry Beret” de Prince, le déchirant “Love and Mercy” de Brian Wilson vers la fin…) émaillent le set et quelques vieux titres ressortent sous une version plus électrique, comme ce “I Like Birds” qui échange ses douces mélodies pop et folk contre une urgence beaucoup plus rock. Eels réinterprète aussi “Novocaine For The Soul”, le petit tube du premier album, et le titre devient presque méconnaissable avec ces airs de boogie mid-tempo. On reste là à hocher tranquillement de la tête, le groupe est musicalement irréprochable quoique plutôt blagueur, et l’émotion est là, à travers la personnalité un peu cabossée de Mark Oliver Everett. Et tant pis pour Johnny Marr, sans doute excellent, mais absurdement programmé à la même heure…

The Cure

Il est fort probable que les organisateurs de Rock en Seine avaient tout misé sur la présence de The Cure cette année tant le public semble agglutiné depuis des heures. Le quintette débarque enfin sur scène et démarre avec les premières notes de “Plainsong”, annonçant ainsi le ton de la soirée, marqué par un hommage à l’album “Disintegration” qui vient de fêter ses trente ans. C’est d’ailleurs à ce grand classique de la discographie du groupe que l’on doit les meilleurs moments de la soirée : la mélancolie tout en accords mineurs de “Pictures of You”, la basse mélodique de “Lovesong” ou encore la tension oppressante de “Fascination Street”. Pour le reste, Cure nous sort un greatest hits avec une générosité certaine. Nous avons droit aux très pop “In Between Days”, “Just Like Heaven” ou “Friday I’m in Love” et Robert Smith semble presque heureux d’enchainer certains de ces titres parmi ses plus entrainants, même si on a toujours trouvé que “The Walk” sonne un peu trop comme un “Blue Monday” aviné. L’enchainement “Play for Today” et “A Forest” est parfait et rappelle aussi au public les noirceurs gothiques des premières compositions de Robert Smith, même s’il ne s’aventurera pas dans “Pornography”. Deux heures quinze de concert presque parfaites portées par un Robert Smith à l’émotion visible et un Simon Gallup bondissant. (M.G.)

Samedi 24 août

Des trois jours de Rock en Seine, c’est de loin le moins “rock”. La très jeune Norvégienne Marie Ulven alias Girl In Red et son groupe représentent presque à eux seuls le contingent de guitares (trois, quand même). Pour le reste, se déclinent toutes les nuances des musiques urbaines et du groove. Plus quelques ovnis, qui ont droit à la grande scène, comme la joyeuse troupe chantante, dansante et délirante de Catastrophe, et surtout Louis Cole. Sans l’avoir jamais vu sur scène ni connaître ses disques, on se doutait, sur la foi de quelques vidéos étonnantes, que son concert sortirait de l’ordinaire. Et on n’a pas été déçu : le groupe à large effectif, avec section de cuivres et deux choristes, était intégralement habillé de costumes de squelettes, plus un pantalon à imprimé « sachet de Cheetos » (junk food) et des lunettes noires à la Martin Rev pour Cole. La grande bringue, le plus souvent au chant et à la batterie, a aussi interprété du spoken word (en lisant le texte sur une feuille) sur une piste orchestrale, et les choristes ont fait la course sur des mini-motos en plastique pendant un passage instrumental… Tout cela serait juste rigolo si les musiciens, qu’on suppose sortis des meilleures écoles de musique américaines, n’étaient pas aussi bons, et les morceaux aussi accrocheurs, entre funk et pop californienne, rappelant Hall & Oates ou Chromeo en plus jazz. Très bon moment.

On picorera ensuite un peu de Polo & Pan (gentil mix pour bar lounge, sympa un quart d’heure), de Jorja Smith (jolies chansons, belle présence, mais tout cela manque un peu de fièvre) et de Peter Cat Recording Co. (bonne pioche que ce groupe inclassable de New Dehli repéré par le label français Panache, mené par un crooner dégingandé, programmé sur l’absurde scène Firestone imitant vaguement un garage). Et on terminera par Jungle, qui malgré une musique un peu lisse reste une valeur sûre : interprétation au cordeau, efforts de communication avec le public et son toujours impeccable. (V.A.)

Dimanche 25 août

Le Villejuif Undergroung

Le soleil est de plomb lorsqu’on arrive vers 15h30 dans le parc de St-Cloud. Le Villejuif Underground est déjà en train de jouer, on reconnaît certains titres du tout nouvel album “When Will the Flies in Deauville Drop ?” et quelques festivaliers ont la bonne idée de tourner en rond jusqu’à l’épuisement en suivant le rythme de “I’m Sorry JC”, on leur souhaite bon courage pour la fin de la journée. Nathan Roche, torse nu, tient le public avec un mélange de hargne et de je-m’en-foutisme hérité du grand Mark E. Smith, en plus souriant. Le groupe se trouve pour une fois en pleine lumière et le son fracassé de leur synthétiseur génère quelques belles mélodies à écouter en attendant la fin du monde.

Decibelles

On part se mettre à l’ombre un instant en écoutant le punk-rock énervé et féministe de Decibelles. Le trio lyonnais vient nous coller une jolie frappe en pleine figure, chaque titre est un gigantesque appel à hocher la tête jusqu’à l’épuisement, en particulier les très vénères “Qu’est-ce t’as” et “Le Seum”. Le ton est un peu plus léger sur “Dimanche” qu’il faudra écouter, encore et encore, les jours de gueule de bois. Le power-trio est indéniablement l’un des groupes les plus efficaces sur scène ce jour-là et on se promet de trouver le vinyle de leur album “Rock français” (sic) pour prolonger l’expérience de ce rock bruyant (et mieux comprendre les textes, un peu noyés sous le boucan en version live). Quelques dates en France jusqu’à fin novembre, n’hésitez pas si le groupe passe près de chez vous !

The Murder Capital

Le post-punk de The Murder Capital s’inscrit dans la lignée rageuse celui des Fontaines D.C. et autres Girls Band. Le quintette joue avec une tension à fleur de peau, la basse ronfle comme jamais et les guitares semblent aussi agréables qu’une griffure avec du fil de fer barbelé. Les inflexions vocales de James Mc Govern nous évoquent une version juvénile et presque naïve de Nick Cave et leur premier album, sorti le 16 août, est tout à fait recommandable.

Deerhunter

On peut dire que Deerhunter a réussi à mettre tour le monde d’accord en démarrant son set par cinq minutes de voix déformées et samplées par une pédale de delay avant d’enchainer sur le mid-tempo de l’excellent “Death in Midsummer”. Le groupe de Bradford Cox privilégie dans un premier temps son dernier album, le très beau “Why Hasn’t Everything Already Disappeared”, au ton post-apocalytpique, qui nous offre quelques-uns des grands moments de cette journée. La setlist est très proche de celle jouée une semaine plus tôt à Saint-Malo pour la Route du rock et on retrouve pour le plus grand bonheur de nos oreilles quelques vieux morceaux issus de “Halcyon Digest”.

Foals

On profite du boucan joué par Royal Blood pour aller manger et on sent poindre comme un coup de fatigue lorsque Foals déboule sur scène avec la ferveur de ceux qui savent conquérir les stades. L’efficacité est là mais on préfère se rappeler du rock tendu de leur premier album “Antidotes”, que l’on ne retrouvera pas trop ce soir même s’ils en joueront deux extraits.

Aphex Twin

Que peut-on attendre d’Aphex Twin pour terminer la soirée ? A priori plutôt quelques bonnes choses et deux ou trois surprises. Richard David James joue avec les sons et nous accueille avec trois monolithes multicolores hérités de “2001, l’odyssée de l’espace”. Le mix navigue entre IDM ambient et une jungle de rythmiques déstructurées (toute la première demi-heure, qui a dû faire fuit pas mal de monde). Une étrange pointe d’humour vient éclairer ces arrangements plutôt introspectifs, quand on aperçoit les visages de quelques personnalités françaises plus ou moins estimables déformés par les blips génératifs d’Aphex Twin. Le sarcasme est apprécié… mais il est largement temps pour nous de prendre un repos bien mérité. (M.G.)

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