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Interviews

Sharon Van Etten – Interview

La toujours très active Sharon Van Etten, qui sort prochainement un nouvel EP, “I Don’t Want to Let You Down”, revient pour POPnews sur la genèse de celui-ci, sa vie sur la route et ses projets.

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“I Don’t Want To Let You Down”, ton nouvel EP, va sortir dans quelques jours, pourrais-tu nous en dire plus à son sujet ?

Ces chansons ont été enregistrées pendant les sessions de “Are We There”. Je considère ce disque comme une continuité de l’album, pas forcément quelque chose qui se veut différent. Ces chansons me tenaient trop à cœur pour être simplement publiées en face B de mes singles. Le meilleur moyen de leur rendre justice était de leur donner vie sur ce format court.

 

Tu tournes beaucoup. Crains-tu qu’au bout d’un moment ça devienne juste un job, que la passion s’émousse ?

Je trouverai toujours un équilibre dans ma vie. Mais je vais devoir réfléchir à un moyen de continuer à faire de la musique tout en me consacrant à d’autres passions pour éviter que la lassitude me gagne. C’est un métier très intense, mais il m’a été bénéfique en me permettant d’apprendre beaucoup sur moi-même.

Tu donnes l’impression d’être de plus en plus à l’aise sur scène. Qu’en penses-tu ?

Je ne le suis pas encore tout à fait. Mes musiciens m’aident beaucoup à me détendre et à me laisser aller, en concert. Mais c’est surtout le public qui a le plus d’effet sur moi. En quelque sorte, je ne fais que redistribuer toute l’énergie qu’il m’apporte.

Est-ce que chanter des chansons très personnelles face à un public peut être difficile, douloureux, ou au contraire cathartique ?

Les deux, vraiment. Je compose des chansons pour m’aider à cicatriser mes plaies. Les partager avec le public et mes proches n’est donc pas sans émotions. Mais constater qu’elles établissent une connexion avec les fans et arrivent à transcender leurs propres douleurs et à les aider à se sentir mieux parce qu’ils s’y reconnaissent, c’est quelque chose de très important pour moi. C’est le carburant qui me fait avancer, qui me pousse à continuer ce métier. J’essaie toujours de rendre mon expérience personnelle universelle dans mes textes.

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Tes concerts sont souvent courts, une heure dix, une heure quinze… Est-ce parce que ce sont des moments particulièrement intenses pour toi et que tu aurais du mal à faire plus long ?

C’est juste que je trouve qu’au-delà, un concert devient trop long. Je n’ai pas envie de fatiguer ou d’ennuyer les gens !

Composes-tu en permanence, même pendant tes tournées, ou bien as-tu besoin d’être au calme, dans un univers familier pour que l’inspiration te vienne ?

J’écris pas mal de paroles en tournée. En revanche, les mélodies sont composées à la maison car j’y suis tranquille, et surtout, je peux écouter à plein volume ce que j’enregistre. De temps en temps, j’arrive à trouver des moments de calme pendant les tournées et des idées de chansons me viennent. Mais je ne vous apprendrai rien en vous disant que les moments de solitude sont quasiment inexistants sur la route !

Le son du dernier album est assez différent de celui de “Tramp” : plus rond, aéré, un peu laid-back parfois. Dès le départ, tu avais l’idée précise de cette couleur musicale, ou c’est venu pendant l’enregistrement ?

J’avais composé toutes les chansons avant d’entrer en studio. Pour la plupart, j’avais une vague idée du son que je voulais, mais tu ne peux jamais prédire ce qui va se passer avec les musiciens en studio, ni où ils vont emmener tes chansons. Je savais que j’avais un super groupe pour m’épauler et qu’ils allaient consacrer toute leur énergie à cet album. C’est vraiment ce que je souhaitais pour ce disque, qu’il soit collaboratif. On se sent tellement à l’aise entre nous qu’il était impossible que ça ne fonctionne pas. Stewart Lerman et James Frazee, qui ont enregistré le disque et qui m’ont aidée à le produire, étaient également dans cet état d’esprit.

On trouve beaucoup de références sur tes disques : une dédicace “For John Cale” sur “Tramp” dont la pochette est un hommage à celle de son album « Fear » ; une photo d’Agnès Varda pour celle de “Are We There”, une face B de single intitulée “Hotel2Tango”, nom d’un fameux studio d’enregistrement montréalais, etc. C’est important pour toi de rendre ce genre d’hommages ?

​Le contexte est très important pour moi. Je voulais témoigner ma reconnaissance aux gens qui m’inspirent ou que j’admire en permettant aux auditeurs de rentrer dans mon univers. Tu ne trouveras jamais de références dans mes albums juste pour la frime.

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La pochette de « Are We Here » est une photo que tu as prise toi-même. Quel rapport entretiens-tu avec la photographie ?

C’est une photo que j’ai prise de Rebekah Kolp, ma meilleure amie. Elle a fait l’artwork de mes albums “Because I Was In Love” et “Epic”. Elle m’a aidé à remonter la pente après une relation douloureuse quand j’habitais dans le Tennessee. Peu de temps après, quand je suis rentrée à la maison dans le New Jersey, je me suis inscrite à un cours de photographie dans une université libre. La photo est devenue mon mode d’expression principal pendant que je me remettais de cette rupture. Je suis par la suite allée lui rendre visite une dernière fois dans le Tennessee avant qu’elle ne déménage dans l’Indiana pour se marier, et moi-même j’ai par la suite déménagé à New York pour poursuivre ma carrière dans la musique. Nous avons recréé ce rituel que nous avions après le travail, qui consistait à acheter un paquet de cigarettes et deux canettes de Coca et à prendre la voiture pour rouler sur les routes de campagne. Nous passions nos morceaux préférés à plein volume sur l’autoradio et nous nous époumonions en chantant dessus à tue-tête, parfois en passant la tête hors de la portière. J’ai pris cette photo d’elle pendant un  moment cathartique, et elle reste ma photo préférée parmi tous mes tirages. J’y tiens plus que tout.

A propos de John Cale, qui est une grande inspiration pour toi et avec qui tu as collaboré, il a dit ça de toi : “Honesty always trumps formula. Whatever she’s singing about, you believe her. The different personas take over, and they’re all her.” Cela te semble une bonne description de tes chansons ?

Ma musique est très honnête. Peut-être un peu trop. C’est tout moi, oui !

Te sens-tu capable d’écrire des textes sous un angle moins personnel ?

J’ai essayé lors de quelques projets avec d’autres personnes pour lesquelles j’ai composé des mélodies ou des harmonies. Ma musique est issue de mon auto-thérapie et mes paroles en découlent. C’est mon mode de fonctionnement. Si je devais écrire différemment, ça deviendrait de fait un tout autre projet, pour lequel il faudrait que je m’associe à quelqu’un pour ne pas retomber dans mes vieilles habitudes.

Contrairement aux précédents, tu as enregistré cet album, et donc le nouvel EP, avec ton propre groupe. Pourquoi ?

Effectivement, je n’avais jamais travaillé en studio avec un véritable groupe avant. Pour la tournée de « Tramp », j’avais trouvé une formation avec laquelle tout fonctionnait à merveille. J’ai voulu les associer au projet pour m’aider à me renouveler et à produire un disque différent, mais qui sonnait naturel.

On vous sent très soudés sur scène. Te sentirais-tu maintenant capable de tourner avec d’autres musiciens ?

Ça me serait très difficile. Doug Keith et Heather Woods Broderick sont irremplaçables, aussi bien en tant que musiciens qu’humainement. Les tournées rendent tout le monde bipolaire, et c’est un tel luxe de pouvoir compter sur eux. Mais je sais qu’à un moment ils finiront par se consacrer à leurs propres projets, ou iront jouer avec des musiciens talentueux. J’espère seulement continuer à travailler avec eux le plus longtemps possible pour ne pas avoir à m’inquiéter du jour où ils vont partir.

​Quels sont tes projets d’ici à la fin de l’année ?

Je vais commencer l’écriture du prochain disque. Mais je veux surtout prendre du temps pour moi et profiter d’une vie normale. J’ai envie de nouvelles expériences, de découvertes, de réflexions sur tout ce qui ne concerne pas la musique. De cette façon, j’aurai de la matière pour raconter des choses intéressantes pour le prochain album.

Il ne faut donc pas s’attendre a une sortie avant 2016 !

Certainement pas, je vais prendre mon temps !

Sharon a également participé à un disque collectif, « Remembering Mountains », sur lequel une dizaine d’artistes ont mis en musique des textes écrits par la chanteuse Karen Dalton.

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