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Squeeze – The Knowledge

 Squeeze - The Knowledge

Quarante ans après la sortie de leur premier disque, l’élégance mordante et discrète de Squeeze n’est jamais véritablement parvenue au public français hors du cercle étroit de quelques esthètes pop, comme si elle s’était noyée quelque part au mitan de la Manche. Trop insulaires, trop insituables, trop précis, trop précieux ? Ce n’est pourtant pas faute d’avoir eu un premier album produit par John Cale (pas le meilleur, d’ailleurs), écrit plusieurs hits merveilleux (“Up the Junction”, “Is That Love”, entre autres) et sorti un disque ambitieux, abouti de bout en bout, parfaite synthèse des mille facettes de la pop anglaise : “East Side Story”, en 1981. Entre chronique sociale et amoureuse, Difford et Tilbrook contaient avec flegme et entrain le quotidien blême des vies normales, des amours usées par l’habitude dans la grande tradition britannique allant des Kinks à Madness, sans héroïsme ni misérabilisme superflus, à la juste distance que permettent les trois minutes d’une chanson pop.

Depuis le milieu des années 80, le groupe a enchaîné l’habituel cycle dissolution-reformation-changement de personnel, s’étiolant peu à peu dans une confidentialité pour nostalgiques, au gré de sorties aussi régulières que peu remarquées. L’affaire semblait entendue quand, il y a deux ans, “Cradle to the Grave”, énième retour étonnamment pimpant et plein de sève, laissa à penser que la paire de songwriters avait encore de très beaux restes, sentiment confirmé par ce récent “The Knowledge”, dont l’écho médiatique fut hélas extrêmement minime (pour ne pas dire inexistant).

Bien sûr, il y a quelques fautes de goût, de celles qu’on tolère de la part de grands anciens pas vraiment dans l’époque, de classiques largués dans l’air du temps, de grands-parents qu’on chérit justement parce qu’ils ne cherchent pas à faire jeunes. Mais si l’on fait fi de quelques arrangement intempestifs, d’une bizarrerie funky entre Steely Dan, Chic et Bertrand Burgalat dont on ne sait que penser (“Rough Ride”) et d’un ska sympathiquement inoffensif (“Two Forks”), les deux aînés font encore régulièrement merveille : le joliment solennel “Innocence in Paradise” d’ouverture, l’élégiaque “Departure Lounge”, “Albatross” avec ses accents de folk celtique, ou encore l’instrumental “Elmers End” directement sorti du cerveau de Sean O’Hagan – donc de Brian Wilson – en témoignent brillamment.

Surtout, il y a un morceau. Un classique instantané, une chanson parfaite, une quintessence squeezienne, aussi exaltante et inspirée que leurs hauts faits du début des années 80. Elle s’appelle “Patchouli” et ne sert pas à masquer une quelconque odeur suspecte, mais à exhaler le doux fumet de la grandeur, inentamée malgré les ans, de Difford et Tilbrook.

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