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Disques

Woodkid – The Golden Age

Woodkid - The Golden Age

France Inter, février 2013, une journée spéciale est consacrée à David Bowie, sexagénaire avec la carrière que l’on sait, un morceau de son nouvel album chaque heure, hommage dans le rétroviseur, etc… France Inter, mars 2013, une journée spéciale est consacrée à Woodkid pour son premier album, « The Golden Age », avec extraits à profusion, lifting du jingle horaire par Yoann Lemoine (de son vrai nom), copieuse interview chez Pascale Clark… Deux poids, une mesure, donc, et qui se poursuit. Le Parisien n’y voit rien de moins que le disque de l’année (ont-ils donc déjà TOUT écouté ?) et Pierre Siankowski nous apprend dans les Inrocks que, plus généralement, Woodkid déchire sa race – si bien que, d’avance, nous recousons la notre en prévision, et avec de la grosse corde. Car, Monde, retiens-nous !, nous partons à l’abordage de « The Golden Age » munis de vivres pour un mois, d’une lampe-tempête, des bottes en caoutchouc au pied, un ciré phosphorescent sur nos épaules (pour qu’on nous repère si nous ne rentrons pas, qui sait ?). Toutes précautions qui s’avèrent inutiles, tant les montagnes russes d’émotions vantées nous ont paru des coqs-à-l’âne (eh oui, on est déjà rentré, et tel qu’à l’aller, en plus).

« The Golden Age » est un concept-album sur la sortie de l’enfance – menant inéluctablement, on le sait, à l’âge adulte – avec une production en Cinémascope, dévolue notamment à Guillaume Brière des Shoes, (qu’on a connu plus inspiré). Musicalement, les compères se sont limités (pas de basse, ni de batterie) pour mieux se goinfrer de mignardises : orchestres divers superposés, cuivres pensifs qui vous éclatent à l’oreille, percussions Koh-Lanta qu’on ne pourra plus guère écouter qu’ici. Le résultat – au moins curieux, mais aussi pas mal assommant – sonne comme un équivalent membré de « Born to Die » remixé par les These New Puritans de « Hidden » en cellule de dégrisement psycho-sentimentale. C’est, autrement dit, une chimère dont on ne peut s’abstraire de percevoir tous les constituants. Les détails font saillie, principalement dans les morceaux lents qui démarrent parfois bien avant de sombrer dans le surplus (« The Boat Song » et son piano-écho qui rappelle, quelques secondes, le merveilleux « Blank Page » des Smashing Pumpkins sur « Adore »). Comme si la (sur-)production tentait, par tous les moyens, de détourner l’attention de chansons anodines et dupliquées, rien moins que bien servies par une voix atone et grenue (Yoann Lemoine possède un organe lassant qui évoque Antony avec un système pileux fonctionnant à plein régime). Les singles propulsés par une pompe réduite fonctionnent mieux – « Iron », en premier lieu, le futur – parions… – « Conquest of Spaces », et « I love you » malgré un atroce pont violoneux ET trompetté. Autant dire que, sur la longueur, « The Golden Age » évoque un Get Well Soon plongé dans une débauche rétro-futuriste, ce qui fait frémir (précision : on ne tient personnellement pas en estime majeure la couverture médicalisée de Konstantin Gros-Père). 

Il est temps de rappeler que le sieur Lemoine a gagné ses galons de « next big thing » grâce à ses vidéos pour Lana Del Rey et pour lui-même : la meilleure, « Run Boy Run », délocalisait Max et les Maximonstres chez Matthew Barney (ou à peu près). Hélas, Woodkid fait du son comme il fait de l’image ; orphéons survitaminés, carillons en pagaille et Paganini carillonnants renvoient aux gris dramatisés, ralentis grandiloquents et overdose de modélisations diverses. On ne pourra dénier à Woodkid qu’il trône, dès son premier album, au milieu d’un univers cohérent et en pleine expansion. On va juste attendre, pour notre part, que celui-ci devienne supportable.

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