AD – Misguided Recordings
(Lucy Lane Records / Makes Entertainment)
Au début, ça ne paie pas de mine. Une pochette moche, la voix plutôt poussive d’un MC blanc issu d’un duo hip hop obscur (The Crest), une intro lourdingue et un morceau façon old school plutôt anecdotique (« The Cage »). Mais après, dès la seconde plage, le disque s’illumine.
Oh bien sûr, rien de tonitruant, rien de révolutionnaire sur Misguided Recordings. Le premier album solo du dénommé AD ne fait que gérer gentiment l’héritage laissé par 20 ou 30 ans d’histoire du rap. Il sacrifie à tous les rites d’usage : l’incontournable ode à la fumette (« La La La »), les leçons de vie sur le mode « carpe diem » (« People Wait their Whole Lives »), l’ego-trip et le style battle (« The Cage »), et en prime la satisfaction inespérée d’être devenu un MC (« Impossible Dream »). Dominées par des sons de guitare jazz, cette vieille scie, les productions elles-mêmes ne dynamitent ni n’éclatent le genre.
Pourtant, dès « Mind Erase », Misguided Recordings se transfigure. Se succèdent alors le très smooth « Mind Erase », le plus haletant « A Light in the Dark », les oppressants « Cheers to the Sunrise » et « The Truth is Lies », les guitares entêtantes de « The Seed » et de « Trying » et surtout le pesant et vaporeux « La La La », la perle totale et intégrale de l’album. Soit toute une série de morceaux simples mais étonnamment addictifs, tous tellement attachants qu’on a l’impression, à la fois louche et réconfortante, de les avoir toujours connus.
Sans vouloir trop remettre en cause le rôle d’AD, qui reste l’acteur principal de son album, la tentation est grande d’attribuer les mérites de Misguided Recordings à un autre homme, le beatmaker Myron Maker. La plupart des morceaux cités, les meilleurs, sont en effet produits par ses soins. Qu’il laisse la place à d’autres producteurs, aux deux tiers du disque, et c’est un hip hop rasoir qui reprend le dessus, fait de cordes en toc (« Impossible Dream ») et de guitares baveuses (« Life »). Au contraire, qu’il reprenne les manettes pour le morceau final (« Dying ») et l’album connaît une petite apothéose.
Uni, le duo AD-Myron Maker ne rate qu’un titre, un infâme « Did U » au pathos trop forcé. Pour le reste, c’est comme si le producteur maîtrisait au mieux l’art de sublimer les raps de son comparse : celui des petites prods sans prétention apparente, mais rondelettes et séduisantes pile comme il faut.
Sylvain
Disponible sur Makes Entertainment
Intro/The Cage
M.E. (Mind Erase)
A Light In The Dark
Alluv
Cheers To The Sunrise
The Seed (feat. Unlce Pauli)
Dilla
Trying
The Truth Is Lies (feat. Jack Cracker)
La La La
Impossible Dream
People Wait Their Whole Lives (feat. Jack Cracker)
Life
Did U?
Dying/The End