MORRISSEY – You are the Quarry
(Attack / Sanctuary / BMG)
Histoire d’échapper à la vilaine rengaine marketing et critique du "son meilleur album depuis… blah blah… le grand retour…" qu’on entend à chaque nouvel album de Bowie, des Stone ou de Dylan, et sans jouer les vieux de la vieille (après tout, j’ai acheté mon premier disque des Smiths, le groupe venait de se séparer, donc je ne vais pas jouer les vétérans non plus), il peut-être utile de se remémorer deux trois choses à propos de Morrissey. Se souvenir, par exemple, qu’en cinq ans d’une carrière exemplaire, les Smiths n’avaient dû en tout et pour tout graver que deux mauvaises chansons (dont une reprise). Se souvenir, aussi, qu’aux débuts de la carrière solo du bonhomme, une compilation de quelques singles et leurs faces B pouvait faire office sans conteste d’excellent deuxième album. Mais que depuis 1994 et le superbe "Vauxhall and I", on n’a pas eu grand chose de consistant à se glisser sous la dent.
Alors, forcément, la première écoute de ce nouvel album s’accompagne d’une moue désabusée. Hormis l’impeccable "Irish Blood, English Heart" et les entraînants "First of the Gang to Die" et "I Like You", la musique ronronne gentiment, la plupart du temps. Morceaux agréables, bien produits, plutôt bons, mais manquant de relief, de mélodie marquante, servant juste – est-ce volontaire – de faire valoir à la voix de Morrissey, qui le mérite – elle est ici à son meilleur.
Quant aux textes, malgré quelques fulgurances éparses ("Close your eyes, And think of someone, You physically admire / And let me kiss you", pas mal), on navigue entre règlements de compte un poil aigris contre la terre entière (les USA, l’Angleterre, les journalistes, ses confrères, etc) et sempiternelles séances d’auto-apitoiement à l’ironie malheureusement quelque peu absente, contrairement aux habitudes. Stop me oh oh oh stop me…
Au final, malgré toutes ces remontrances (sur l’air de "qui aime bien châtie bien"), "You are the Quarry" est quand même plutôt bon, quelques coudées au dessus de son vil prédécesseur, "Maladjusted" (facile), mais la constance et le panache d’antan lui font singulièrement défaut. Morrissey a vieilli, son petit bonjour de passage n’a rien d’indigne et fait plaisir, mais de lui, on était autorisé à n’attendre rien de moins que l’excellence. La prochaine fois ?
Guillaume
America is not the World
Irish Blood, English Heart
I have forgiven Jesus
Come Back To Camden
I’m not Sorry
The Work is Full of Crashing Bores
How Can Anybody Possibly Know How I Feel
First of the Gang to Die
Let me kiss you
All The Lazy Dykes
I Like You
You Know I couldn’t Last