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Colleen – Interview

En dépit de l’estime méritée suscitée par ses précédents albums, Colleen, alias Cécile Schott, reste un tantinet sinon méconnue, du moins discrète, dans son propre pays. L’occasion était donc belle de faire connaissance avec une jeune femme fort agréable et qui fait preuve d’une envie manifeste, autant pour s’exprimer en interview, que pour évoluer dans son art. Ainsi si dans le bien nommé « Les Ondes Silencieuses », les notes se raréfient, la demoiselle n’en sera pas moins disserte quant à ses motivations, ses doutes parfois, et son parcours jusqu’ici exemplaire.

Colleen

Tu avais apparemment l’intention de faire un album différent des précédents, et notamment tu parlais d’un esprit « jazz » au sens large ? Est-ce que tu pourrais expliciter ce que cela signifie pour toi ?
Oui, j’en avais parlé dans une interview qui doit dater d’environ un an, et à l’époque, j’étais à fond dans la clarinette, et si je me souviens bien, je venais d’avoir la viole de gambe. J’avais quelques idées sur ce que serait peut-être l’album, mais le morceau le plus « jazz » que j’avais n’y est pas finalement. J’ai un peu de mal à me l’expliquer, parce qu’après avoir fini le disque, j’y ai repensé, j’ai réécouté certains enregistrements que j’avais, qui n’avaient pas été finalisés pour l’album. Et je me suis demandée pourquoi je ne l’avais pas mis. Même seul, il aurait donné une coloration différente à l’album, dont on ne peut effectivement pas dire qu’il soit très jazz (peut-être est-ce pour ça que tu me poses la question). Peut-être que cette influence a un peu disparu au moment où j’ai commencé à travailler sur l’album, parce que j’avais envie de me surprendre moi-même. Quand je commence un enregistrement, j’ai pas mal d’idées de départ, voire des morceaux finis, mais j’aime bien que ça change en cours de route, que des choses surviennent et que tout ne soit pas arrêté. J’aime bien à la fois penser à ce que va être l’album, mais ne pas être trop fixe sur mes positions. En plus, ce morceau fonctionnait sur une boucle, et j’avais tellement envie de faire autre chose que ce type de structure, que j’ai dû l’écarter inconsciemment. Cela dit, la clarinette sur deux morceaux apporte quand même une coloration un peu différente.

Oui, il y a comme une juxtaposition avec un instrument comme la clarinette, et un côté plus baroque que tu avais annoncé, avec la viole et même du clavecin.
Plus exactement, c’est une épinette, c’est à dire un petit clavecin. Parce que trouver un clavecin, c’est très compliqué, et cher. J’ai trouvé quelqu’un qui m’a très gentiment prêté une épinette. Ça n’a pas un son aussi riche, mais disons que c’est le même instrument en plus petit.

Est-ce que tu penses être arrivée là où tu voulais dans ce genre ?
Je me sens plutôt au milieu ou en marge de différents genres. Je ne veux pas faire de la musique baroque. Quant au jazz pur, il y a tellement de géants qui sont passés par là qu’effectivement, faire un vrai beau disque de jazz, c’est extrêmement difficile. Mais je pense être arrivé à faire ce que je voulais, c’est-à-dire un album qui se démarque de ce que j’avais fait jusqu’ici, où il y a beaucoup plus d’espace entre les notes, beaucoup plus de silences. Il est même plus extrême que ce que je croyais. Souvent, on parle d’électronique, ou electronica pour décrire ce que je fais, et là, on en est vraiment à milles lieues. C’est aussi une manière de montrer que j’ai d’autres points de référence. Le jazz en est un, parce que c’est une musique assez ouverte, instrumentale. Alors que lorsqu’on parle de musique instrumentale, les gens pensent souvent musique d’ambiance, musique de film ou électronique.

Pour en finir avec le jazz, beaucoup l’associe, à tort ou à raison, à l’improvisation : est-ce que tu pratique l’impro, ou sinon, tu l’envisagerais ?
Bon, je ne suis pas une vraie improvisatrice. Parce que même si tous n’ont pas d’éducation musicale classique, les improvisateurs savent souvent très bien ce qu’est une gamme, et pour cette raison, ils peuvent le faire. Moi, je l’utilise pour composer, dans le sens où le ferait un groupe pop, ou même moi quand j’avais 17-18 ans et que je faisais de la noisy-pop. Je prenais ma guitare, je jouais un peu au hasard et quand ça me plaisait, je le gardais. Même si récemment, ça m’est arrivé de jouer sur scène avec d’autres musiciens et que ça m’intéresse. C’était au Portugal, entourée de cinq personnes avec des ordinateurs, qui me samplaient en direct et transformaient ce que je faisais. Moi, je faisais de la semi-improvisation, car j’avais quelques thèmes en tête, puis, je me suis laissée aller, et ça a donné des choses assez surprenantes. C’est là que je me suis rendue compte que je pouvais trouver des choses de cette manière que je ne pouvais pas trouver autrement. Et du coup, je pense qu’un jour j’exploiterai cela.

Tu préfères les retravailler après.
Oui. Je ne crois pas au fait de sortir tout ce que l’on fait. Même si certains sortent des disques d’improvisations, ça n’a pas toujours lieu d’être édité. Donc je préfère le réserver à la scène. Ça n’est pas évident non plus, parce que durant l’enregistrement de l’album, d’une part je prenais des cours de viole, donc de la musique renaissance et baroque, ce qui demande un certain « esprit ». Et en même temps, je devais passer à ma musique, qui demandait, bien sûr, un autre état d’esprit. Donc il y avait toujours une espèce de tension entre ces deux choses… Mais je me suis éloignée de ta question… (rires)

Est-ce que tu considères que cet album est une sorte d’évolution vers une certaine « maturité » ?
Par exemple, tu as dit avoir toujours eu envie d’apprendre la viole. Considères-tu être arrivée à une sorte d’aboutissement par rapport à cet instrument, ou disons du moins un palier satisfaisant ?
C’est une question qui me fait assez peur, parce que jusqu’ici, sur chaque album, j’ai vraiment fait un gros saut. Donc je préfère ne pas y penser. Parce que c’était vraiment un rêve de jouer de la viole, et d’ailleurs aujourd’hui encore, j’ai du mal à penser que ça y est, j’en joue, même si certes, je ne suis pas la plus grande interprète du monde, loin de là. En tous cas, j’ai fait l’album avec la viole, et j’en suis plutôt contente, j’ai fait mon morceau avec l’épinette, je joue de la clarinette. Et maintenant, je n’ai plus trop envie de jouer d’autres instruments, mais plutôt d’approfondir ce que je fais. Je ne sais pas à quoi ressemblera le prochain album, mais je sais qu’avec celui-ci, d’autres portes commencent à s’ouvrir pour moi. L’année prochaine, je suis invitée à jouer à New York, dans un lieu très respectable, où il y a de la musique philharmonique par exemple, et je viens aussi de finir une musique pour de la danse. Donc je me demande si je ne vais pas peut-être me retrouver à faire des choses plus composées, et que par exemple on me passe commande d’une œuvre pour ensemble à cordes, ce qui m’intéresserait. Et j’aimerais bien aussi, si j’ai le niveau et la volonté pour le faire, peut-être prendre des cours d’harmonie, ce genre de choses. En tout cas, j’ai toujours envie d’étendre mon vocabulaire, mais pour ça, il faut beaucoup de temps, et là, je suis plutôt dans une période où on me demande de faire des concerts. J’aime aussi beaucoup ça, et quand on sort un disque, il faut aller le porter de toute façon.

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