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Eldorado Music festival – Café de la Danse – Paris, mardi 14 septembre – Deer Tick, Phosphorescent

ELDORADO MUSIC FESTIVAL – Café De La Danse – Paris, Mardi 14 Septembre – Deer Tick, Phosphorescent

Alors que Jesse Sykes faussait compagnie à tout le monde, c’est à Deer Tick et Phosphorescent que revenait le privilège de clôturer la deuxième édition du Eldorado Music Festival au Café de la Danse. Deux formations droites dans leurs bottes jouant une sorte de soft rock US à guitares, avec la bénédiction spirituelle du Loner et du Boss. Cette affiche avait aussi l’allure d’un beau match de songwriters ardents, aussi dilettantes que talentueux. Flanqués chacun d’un nouvel album dans leurs bagages*, Deer Tick et Phosphorescent jouent classique et efficace, sans chercher les effets, ni la poudre aux yeux. Avec eux, comme avec leurs frères de lait, les Grand Archives, Strange Boys, Sun Kil Moon, David Karsten Daniels, c’est comme s’il ne s’était rien passé depuis les années soixante-dix. Comme si les synthés, les guitares tranchantes des hordes de groupes néo post-je-ne-sais-quoi n’avaient jamais existé. Comme si Arcade Fire, Vampire Week-end et LFA n’avaient jamais tenté de syncrétisme musical… Non, eux jouent la bible comme si c’était la seule vérité. Alors pourquoi s’en écarter ?
Mais personne ne leur a dit que des iconoclastes comme Will Oldham, Jason Molina ou Bill Callahan sont passés par là avant eux et ont tenté un temps de tuer les Pères ? Les petits gars de l’affiche de ce soir n’ont sans doute jamais eu ce genre de prétention et le pire dans l’affaire, c’est que ça marche. Comme mes voisins, je me vois encore en train de frissonner devant cet énième gusse écorché vif avec sa guitare et ses tripes à l’air, mieux je me revois battre la mesure du pied, et m’évader avec eux sur des routes imaginaires à tombeau ouvert fuyant des destins ordinaires. Comme ça, sur le papier, ils ne font pas rêver ces cow-boys du Nouveau Monde jouant leur musique de ploucs sudistes alors même qu’ils viennent tous de la côte est (Providence, Rhode Island et New York City).

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Alors, il faut chercher ailleurs. Dans la personnalité de leurs leaders sans qui chaque formation ne serait qu’une coquille vide. John McCauley, d’abord. Tignasse en bataille, tatouages aux épaules et rhume carabiné. Une belle gueule derrière sa blondeur d’ange destroy, qui vous met toutes les minettes à genoux dès qu’il se met à faire siffler sa voix rouillée. C’est peu dire qu’on les attendait, lui et son groupe. Trois albums au compteur pour un baptême parisien. Merci Fargo (on pensera à faire une révérence quand on recevra le disque comme tout média spécialisé qui se respecte). Ça démarre pépère Deer Tick. Très The Band dans l’esprit, puis d’un seul coup, les mecs sont dedans et toutes mes craintes alors s’effondrent. Le groupe joue plus tendu, installe des climats ambigus. C’est toujours du rock US, mais ça s’envole ailleurs. Un petit côté Arab Strap période « Monday at the Hug and Pint ». Même voix nasale et grave que celle d’Aidan Moffat, même ambiance sourde. La fin du set est vécue comme un déchirement. Tout le monde conviendra cependant qu’il vaut mieux se retirer sur un climax plutôt que jouer les prolongations stériles.

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Place ensuite à Phosphorescent, euh… pardon, Matthew Houck, grand escogriffe qui accapare toute l’attention sur ses larges épaules. On est plus old school, ce qui se serait vérifié aisément avec une pedal steel qui n’est pas du voyage. Le mec énerve parce qu’il vous sert les grosses ficelles et que vous tombez quand même dans le panneau. Et vas-y que je te prends par les hanches d’entrée de jeu avec le fringuant « It’s Hard To Be Humble », puis que je te les fais chialer avec mes ballades vibrantes (« Mermaid Parade », « Wolves »). Voix qui craque comme un microsillon, émotion poignante. Le groupe en arrive à ma chanson fétiche « Hej, I’m a Light », celle qui est la moins connotée « country » sur leur dernier album. Mais, je dois avouer que c’est la tornade « Los Angeles », presque dix minutes bouleversantes, qui emporte tout sur son passage. Après ça, il nous reste quoi ? Des yeux pour pleurer de bonheur, une grosse boule au ventre ? C’est déjà l’heure d’un rappel en solo du chanteur puis d’un final choral. Sont trop forts ces Yankees. En 2010, la Lucky Strike et le paquet de chewing-gums ont été supplantés par les bottes et la guitare. Ce n’est pas exactement ce que j’appellerais le progrès. Mais faut-il du progrès en tout ? Je vous laisse méditer là-dessus, j’ai un disque à retourner.

* »The Black Dirt Session » pour Deer Tick, « Here’s to Taking it Easy » pour Phosphorescent 

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