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Dirge – Where (No One Has a Name)

DIRGE – Where (No One Has A Name)
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DIRGE - Where (No One Has A Name)Mais que reste-t-il de Dirge ? Le post-rock rouennais de Dirge s’est singulièrement trempé dans la pop depuis « Rebecca » tant et si bien qu’il ne reste pas grand chose de l’influence des paysages troublés du Canada et de l’Ecosse dans ce nouveau « Where (No One Has a Name) ». Doit-on pour autant regarder vers l’Irlande et sa pop catholique ? Non, bien sûr. Prenons les choses dans l’ordre : le visuel, recto, représente David Pall, leur nouveau membre, certainement aviné (quant au verso, je ne veux pas savoir). Un esprit de rébellion potache semble s’être immiscé dans Dirge…

D’ailleurs, dès l’ouverture, on est un peu perdu : du bruit, du riff rock, de la basse et soudain, un atterrissage dans la pop ouatée de « Love/Song » avec le chant d’un Yann Lafosse qu’on imagine presque étonné de s’entendre chanter ainsi. On est surpris, forcément, des lalalas champêtres voire élyséens, puis des cuivres, du glockenspiel. On sait désormais que comme les brûlis dans les champs, les terres grises et arides du post-rock peuvent, parfois, donner naissance à une musique luxuriante et éclairée. « Bad », chanson dangereuse où tout se révèle tranchant, aurait été impensable chez Dirge lors de ses débuts, tout comme le folk crépusculaire de « 19 Whispers », ou encore la batterie sur « We Will Find Our Way ». Mais bon, puisqu’on vous dit qu’ils ont trouvé et pris un autre chemin… Décidés à écouter les murmures de leurs voix intérieures pop, ils ont digéré leurs influences et n’ont pas peur de suivre les traces de grands déglingués de notre temps. Leurs ancres pourraient se nommer PJ Harvey, surtout celle de « Stories From the Cities, Stories From the Sea », Mark Linkous ou Arab Strap.

Outre l’apport évident de David Pall avec sa basse (et guitare) cimentant la rythmique, on sent que cet album est l’oeuvre d’un groupe dont les membres n’auraient plus envie de s’en tenir à leur rôle : le batteur Benjamin Daubeuf arrange, joue du glockenspiel et TOUS chantent. Certes les chants sont encore un peu timides et donc sous mixés mais l’effort et surtout l’envie sont là. On remarquera aussi les fines interventions de Sébastien Miel (La Maison Tellier) à la mandoline et du violoniste Mathias, indispensable compagnon de Yann dans My North Eye (désormais seul véhicule des plombes de M. Lafosse).
D’ailleurs, Yann signe ici ses meilleures compositions et peut-être ses meilleures performances vocales avec un chant haut et fort, (presque) sûr de ses effets. Presque, parce que chanter ici n’est pas de l’ordre de la pose mais bien de la thérapie.

Il n’y a qu’à entendre « My New Enemy », hargneuse et pleine de rancoeur, dont la bile monte peu à peu, comme une vieille remontée de bière le lendemain d’une bonne cuite. Elle vient de loin celle là, pour venger les colères et exaspérations du rockeu’ et pourrait bien être aussi le retour du berger à la bergère comme un lointain et discret hommage au puissant titre « Enculé » (enregistré chez Albini) d’un autre groupe havrais passé lui aussi presque inaperçu : Dickybirds. On a le soin de la référence et de la révérence chez Dirge.

Enfin, pour les nostalgiques inconsolables, il y a encore de beaux restes post-rock (« Untitled 1 » et « Untitled 2 »), tout dans l’économie et la retenue, tel ce superbe bruit blanc final (venant d’un ampli ou d’un field recording ?), terminant l’album comme il l’a commencé et laissant l’histoire de Dirge sur cette note mystérieuse, cette captation fantôme.
Que reste-t-il de Dirge ? Un album et c’est déjà bien.

Guillaume Delcourt (avec l’aide minutieuse de Johanna D.)

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A lire également, sur Dirge :
la chronique de « Rebecca » (2008)

Love/Song
Untitled 1
Bad
You Run My Brand New Heart
19 whispers
She said
We Will Find Our Way
My New Enemy
Untitled 2

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