Loading...
Disques

Young Thug & Bloody Jay – Black Portland

 Young Thug & Bloody Jay - Black Portland

Grâce à l’excellent 1017 Thug et à quelques tubes comme « Danny Glover », Young Thug a été l’un des grands gagnants de l’année rap 2013. Il a même été adoubé par Drake et Kanye West, maintenant des fans déclarés, et on l’a vu fréquenter l’influent A-Trak, de Fool’s Gold. Et en 2014, le cinglé d’Atlanta semble vouloir maintenir la pression, en sortant dès janvier l’une des premières mixtapes remarquées de l’année. Mieux encore, ils sont deux cette fois, Thugger s’étant adjoint les services d’un rappeur, Bloody Jay, dans le même registre barjot que lui.

Dédiée à leur ville, énigmatiquement rebaptisée Black Portland, cette nouvelle sortie semble vouée à positionner les deux hommes en têtes de file de ce trap rap de seconde génération devenu l’une des musiques les plus vivantes et excitantes des années 2010, celui de PeeWee Longway, de Migos et autres Lobby Runners, des gens qui ont remplacé le ton sérieux et la posture indestructible des dealers de drogue, en vigueur autrefois dans ce sous-genre, par ceux, complètement marteaux, de ses consommateurs les plus excessifs. Plus que jamais, effectivement, Young Thug et son copain mettent en avant leur étrangeté.

Ce n’est pas tellement par la musique que Black Portland se distingue le plus, celle-ci étant faite de ces arpèges de synthé qui sont la loi du genre, tantôt très lourds (« Paranoia »), tantôt virevoltants comme des ritournelles (« Let’s Go Play »). Ce n’est pas non plus par leurs thèmes, amour et pornographie machistes (« Suck Me Up », « 4 Eva Bloody », « No Love »), arrogance (« No Fucks »), argent et occupations louches (« Movin' »). Non, c’est plutôt par les raps surexcités des deux compères.

Young Thug et Bloody Jay, en effet, s’illustrent par une surenchère d’onomatopées improbables, par leurs voix étranglées de personnages de cartoon, par des cris et des raps jetés à gorge déployée ou, au contraire, par des susurrements (« Movin’ ») et par des chants enfantins extatiques (le très chouette « 4 Eva Bloody »). Ils se font remarquer aussi par leurs exercices ludiques, par exemple le dialogue de sourd de « Florida Water », ou ces bruits et ces slogans abscons par lesquels l’un souligne régulièrement les propos de l’autre, à la manière de Migos, ces autres dérangés.

Maintenant que toutes ces bizarreries ont fait leur chemin auprès de la critique, Black Portland reçoit les louanges disproportionnées de ceux qui doivent désormais s’excuser d’avoir snobé 1017 Thug. Il n’est pourtant pas à son niveau. Il n’est qu’un compagnon, un complément, un appendice. Mais ça n’est déjà pas si mal.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *