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Lucius – Interview

On a découvert Lucius, quintette de Brooklyn à l’univers visuel très affirmé, en novembre dernier, grâce au Festival des Inrocks. Coup de foudre immédiat qui s’est prolongé en début d’année avec la sortie française chez Pias de son premier album “Wildewoman”, recueil de pop songs aux ambiances variées, à la fois mélodieuses et énergiques, qui revisitent avec subtilité un demi-siècle de musique américaine. Le groupe se produit ce week-end à Rock en Seine, pour ce qui pourrait bien être une consécration. L’occasion de publier une petite interview des deux fausses jumelles Jess Wolfe et Holly Laessig (qui répondent d’une seule voix, ou presque) réalisée en juin dernier, au lendemain d’un “in-store gig” dans une boutique de vêtements parisienne où les cinq avaient donné un rappel au milieu du public. Sans amplification, dont se passent très bien ces deux voix exceptionnelles, et d’ailleurs très demandées, de San Fermin à Wilco.

Lucius 3

Comment l’aventure a-t-elle commencé ?

Au départ, nous n’étions que toutes les deux, mais nous avons toujours voulu être accompagnées d’autres musiciens, il fallait juste trouver les bons pour que le groupe fonctionne et ça a pris un peu de temps. Cela fait neuf ou dix ans que nous écrivons et chantons ensemble, et Lucius existe en tant que tel depuis deux ans environ. Au début, nous étions à Boston toutes les deux, puis nous avons déménagé à New York.

Comment se passe l’écriture des chansons ?

Au début, c’est entre nous deux, mais le processus dépend des morceaux. Parfois, nous partons d’une rythmique ou d’une idée de chant que nous enregistrons sur notre téléphone pour ne pas l’oublier. Ou c’est une mélodie à la guitare que l’une envoie à l’autre pour qu’elle puisse ajouter des choses, compléter la phrase, en quelque sorte. Il n’y a pas vraiment de règle, donc, mais à la base c’est juste une conversation entre filles (“girl talk”) devant une tasse de café… En fait, nous étions juste en train d’écrire des tubes avant que tu arrives, mais ne le dis à personne ! (rires)

Même s’il est très axé sur vos deux voix, l’album est assez varié.

C’est peut-être parce qu’il a été écrit sur une longue période. Nous avons attendu d’avoir assez de bonnes chansons, et les musiciens adéquats, avant de l’enregistrer. Nous avons rencontré Danny, notre batteur, qui est aussi ingénieur du son et producteur, qui nous semblait la bonne personne pour donner vie à nos chansons, car nous n’avions pas une grande expérience du studio. Il nous a aidées à sortir de notre coquille et à nous ouvrir à des sons nouveaux.

Lucius 1

Les mélodies sont très importantes pour vous, mais les rythmiques aussi. A certains moments, sur scène, vous jouez tous les cinq de la batterie ou des percussions.

Nous voulions apporter une certaine énergie à nos concerts. Cet aspect a certainement pour origine cette rencontre avec Danny. En tant que batteur, il avait très envie d’apporter des éléments rythmiques à nos chansons, et nous aussi, cet aspect nous plaisait. Il y a donc eu une évolution naturelle dans ce sens. Je me souviens qu’après une répétition dans notre appartement-studio, les voisins du dessous sont venus se plaindre du bruit. Il a alors surélévé la grosse caisse de la batterie pour qu’elle ne soit plus en contact avec le plancher, et il était donc obligé d’en jouer debout. Nous avons tous trouvé ça cool. Andy, le guitariste, s’est dit qu’il pourrait lui aussi jouer un peu de batterie, pour dédoubler avec Danny la symétrie que nous évoquons toutes les deux, en chantant à l’unisson et en jouant des claviers, au centre de la scène. Et pourquoi ne pas jouer nous aussi un peu de percussions ? En fait, il n’y a que Pete, le bassiste, qui attend toujours d’avoir lui aussi une batterie ! (rires) Il y a avait aussi sans doute une influence inconsciente. Nous avons grandi en écoutant beaucoup de soul, avec des voix et des mélodies fortes qu’on retrouve dans nos propres chansons, puis nous avons découvert à l’université la musique d’Afrique de l’Ouest. Nous sommes allés étudier la musique du Ghana, et nous avons été très inspirées par ces rythmes puissants, cette expression très brute, le chant qui se rapproche du cri ou des pleurs… Je pense que ces deux influences ont été déterminantes.

Aviez-vous des références, des modèles musicaux quand vous avez commencé ?

Oui, beaucoup. D’abord la vieille soul, donc, des chanteurs comme Sam Cooke ou Otis Redding. Mais nous étions aussi fans de Nirvana, des productions hip-hop de Rick Rock (Tupac, Jay-Z, Snoop Dogg, etc.) et de TLC ! Et même de Mariah Carey… La soul, le r’n’b, le rock, tout cela a sans doute joué un rôle dans ce que nous faisons aujourd’hui. Nous aimons simplement les bons chanteurs et les bonnes chansons, d’où qu’elles viennent, quel que soit le genre. Nous sommes très ouvertes.

Diriez-vous que votre musique jette un pont entre passé et présent ?

Bien sûr ! On espère, en tout cas. Et le futur, aussi ! (rires) Parfois, nous ressemblons à des extraterrestres.

Je trouve votre musique très sincère, mais en même temps vous assumez le côté un peu artificiel de la pop.

Oui, ça peut paraître contradictoire, mais pour nous, tout le côté visuel, nos vêtements, notre jeu de scène, n’est qu’une extension de notre musique. Dans les années 50 et 60, les deux se confondaient, l’un n’allait pas sans l’autre. Pour nous, c’est une dimension supplémentaire, qui est essentielle. Et puis, nos deux voix n’en font qu’une, et le groupe forme vraiment une unité, donc on ne veut pas que les spectateurs voient cinq personnes distinctes, mais plutôt une seule. D’où notre disposition sur scène et nos tenues similaires.

Lucius 2

Vous avez chanté toutes les deux sur l’album de San Fermin. Les deux projets ont-ils pu s’influencer l’un l’autre, même inconsciemment ?

En fait, nous avions terminé l’album de Lucius avant de travailler sur celui de San Fermin. Ellis, le créateur du projet, nous a proposé de chanter sur la plupart des morceaux. Nous savions que nous ne pourrions pas nous investir autant qu’avec Lucius, et notamment que nous ne pourrions pas participer aux tournées, mais nous avons quand même accepté. Nous l’avons fait pour d’autres, d’ailleurs (comme The Rentals ou Wilco, ndlr), et c’est vraiment intéressant : c’est l’occasion de jouer un rôle différent, de sortir un peu de nous-mêmes, d’expérimenter. C’est à chaque fois un défi, et nous aimons beaucoup ça. D’autant que nous avons eu la chance de le faire pour des artistes qui comptent beaucoup pour nous. Notre rêve, ce serait de chanter avec David Bowie. David, si tu nous entends…

Il aimerait sans doute beaucoup votre style vestimentaire !

On espère… En fait, on essaie un peu de lui ressembler.

Pour finir, pourriez-vous nous parler du quartier de Brooklyn où se trouve votre QG, la Bromley House ?

Ça s’appelle Ditmas Park, au sud de Park Slope, et ce n’est pas encore très connu, même si de plus en plus de gens viennent s’y installer… peut-être parce que nous n’arrêtons pas d’en parler ! On devrait arrêter, d’ailleurs, dire qu’on vient juste de Brooklyn (rires). C’est un endroit très créatif, en tout cas. Il présente la plus grande concentration de maisons victoriennes du pays, toujours entretenues. Beaucoup de films sont tournés là-bas. C’est vraiment un bel endroit. Nous avons des appartements dans le quartier et notre studio n’est pas très loin, nous pouvons donc y aller régulièrement pour répéter. Enfin, quand nous sommes chez nous, et pas en tournée ! (sourire) Nous y avons enregistré l’essentiel de l’album, puis nous sommes allés dans un autre studio pour le terminer. En fait, ça a été assez long, nous avons bien dû l’enregistrer trois fois car nous n’étions jamais totalement satisfaits du résultat. Là, on commence juste à travailler sur le prochain album, ou du moins à en parler entre nous…

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