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DiversInterviews

Un tour en ville #6

Les indépendants face à la pandémie

Dans le domaine de la culture, au sens large, le couvre-feu puis le confinement ont compromis bon nombre de spectacles et de publications. Jusqu’à poser la question de la pérennité de certains lieux de diffusion, de quelques structures indépendantes et de projets artistiques. Dans les grandes villes, au ralenti, nous interrogeons musiciens, acteurs des sphères indés et autres pour prendre le pouls de la cité. Malgré le marasme, l’espoir demeure et des initiatives se font jour… qu’il est urgent de soutenir.

Lille

Jullian Angel, chanteur et guitariste et auteur du blog littéraire citaddict.com.

Quelle était la situation à Lille avant la crise ?
Concernant les lieux de concerts, le champ s’était déjà restreint depuis quelques années : moins de petites jauges intermédiaires, moins de bars culturels à vocation live. La vitalité de la scène locale en revanche ne s’est jamais démentie, et elle bénéficie toujours de plusieurs dispositifs d’accompagnement. Mais une métropole qui voit diminuer l’événementiel dans ses plus petits lieux a déjà les pieds qui vacillent : on ne peut se contenter d’avoir quelques Smacs et des canaux de diffusion officiels gérés par la mairie.
Quelle est la situation actuelle de la ville ?
Sensiblement la même que partout ailleurs en France : tout est bouclé sauf pour les activités “essentielles”, autant dire qu’on n’est pas près de revoir des concerts, ni d’effectuer la moindre sortie culturelle avant un moment… L’évènementiel avait entamé une légère reprise cet été, et les Smacs (Grand Mix, Aéronef…) reprogrammaient timidement depuis la mi-septembre. Maintenant, on peut toujours souhaiter aux disquaires indés d’avoir eux une chance de rouvrir en décembre (eh oui, il n’y a pas que les librairies à sauver) pour regagner un sursis. Mais il faudra attendre un ou deux ans avant de tirer le premier bilan des dommages subis par le secteur musical, ville par ville.
As-tu quand même des motifs d’espoir ?
L’espoir, je ne sais pas si c’est le meilleur carburant pour tenir en 2020, on a déjà vu assez de lueurs se transformer en ciel gris… Alors plutôt la confiance en soi, l’entraide, l’empathie, la résilience. Et une certaine fascination aussi, dois-je reconnaître, à vivre une période tellement imprévisible, laquelle débouchera forcément sur d’autres bouleversements, y compris culturels, artistiques. L’espoir, c’est d’avoir la curiosité de ce qui va suivre je crois. Si on arrive à dépasser sa propre anxiété du présent certes.

Jullian Angel – “To All Beauty That Was Never Sung” (2020)

Comment peut-on vous soutenir ?
En prenant conscience que les likes, les vues, et quelques streams sur Spotify ne suffiront jamais à pérenniser la carrière d’un groupe ou artiste indé, même le plus jusqu’au-boutiste et désintéressé. On arrivera peut-être à sauver l’intermittence du spectacle, on sauvera toujours la création musicale tant que des acharnés seront près à hypothéquer leur avenir pour réussir à produire un disque ; ce qu’on ne pourra pas sauver, c’est la diversité des propositions artistiques, et leurs chances de diffusion dans la durée. Des centaines de carrières indie risquent de sombrer dans l’après-Covid, mais le robinet à nouveautés musicales, lui, n’est pas près de se fermer. Au fond, c’est un choix presque anthropologique dans notre rapport à la musique : est-elle devenue une simple commodité sonore d’ambiance (souvent oui, admettons-le), ou restée un marqueur relationnel, social, esthétique, de première importance ?

Jullian Angel – “The Strong” (2011)


Plus concrètement et pour souscrire à la deuxième option, un principe simple : soutenez les artistes indés qui vous ont marqués en concert, si vous voulez avoir une chance de les revoir la fois suivante, même de les revoir un jour. Ceux dont vous écoutez plusieurs fois l’album, et qui ne font sûrement pas des milliers de streams, c’est que leur musique a un véritable intérêt ; alors direction Bandcamp pour commander ou télécharger les disques, même faire une donation symbolique, le mécénat est clairement encouragé. Notez que le premier vendredi de chaque mois la plateforme renonce à son dividende, donc c’est le meilleur créneau pour venir en aide. Et sinon pour permettre aux groupes de continuer à jouer dans un futur plus ou moins proche et propice, n’attendez pas un retour idyllique aux concerts d’avant : organisez vous-mêmes vos événements privés, même pour cinq personnes masquées dans un salon, ou dans le jardin. Franchement, quel est le degré d’irresponsabilité comparé à la moindre free party ? On aura besoin de plus d’initiatives privées pour venir soutenir le spectacle vivant, c’est primordial.
Quels sont tes projets du moment ?
J’ai sorti un mini-album juste avant le premier confinement, donc il s’agit tant bien que mal d’en faire la promotion, mais sans pouvoir donner de concerts. Alors comme beaucoup d’autres, j’ai l’œil sur ma boule de cristal pour savoir si le printemps 2021 permettra enfin de rejouer, au moins quelques dates. À défaut, la période est plus favorable à l’écriture, pas seulement en vue d’un prochain disque, mais également sur le plan littéraire, comme je continue à publier sur mon blog d’auteur, Citaddict.com (nouvelles et poèmes). L’avantage d’être classé non-essentiel depuis deux confinements, est que cela m’accorde plus de temps pour l’indispensable : chanter, jouer, écrire, penser. Reste à retrouver l’utilité sociale.

Dernier EP paru : “Like We Never Met Before” (Equilibre Fragile).
Le site web de Jullian Angel est ici.

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