Pour leur dixième album, les New-Yorkais de Nada Surf retrouvent leur meilleur niveau : une power pop éternelle procurant toujours autant d’émotion.
Après deux premiers albums qui, tout en contenant un vrai tube avec “Popular”, avaient, avec le recul, constitué une sorte de mise en route, le groupe new-yorkais Nada Surf avait su trouver son identité avec “Let Go” en 2002 où il déployait une power pop à la fois calme et dynamique, toujours au service de la mélodie et de l’émotion. Depuis ce disque charnière, toujours leur meilleur à ce jour (ils en avaient d’ailleurs célébré les quinze ans par une longue tournée en 2017), ils avaient développé ce style sur des albums toujours impeccables, sans la moindre fausse note à l’exception notable de “Never Not Together”, leur dernier sorti en 2020, où avec un son trop propret et des mélodies trop gentillettes, ils pouvaient rappeler certains fâcheux groupes de stade. Les voir de nouveau travailler avec le producteur Ian Laughton, collaborateur régulier de Supergrass, pouvait donc faire craindre le pire. Fort heureusement, nous avons très rapidement la confirmation que ce disque de 2020 constituait l’unique faux pas de leur carrière.
En effet, dès les premières secondes de “Second Skin”, le morceau d’ouverture, nous éprouvons un grand plaisir à retrouver les Américains à leur meilleur niveau avec cette power pop énergique où l’on savoure d’entendre un Matthew Caws tel qu’on l’a toujours connu, en grand-frère gentil et généreux, toujours prompt à distiller de bons conseils. Surtout, celui qui vit maintenant depuis plusieurs années à Cambridge en Angleterre, que ce soit dans la vie ou dans ses chansons, sait être un modèle d’humilité et de profonde humanité, en particulier au travers de paroles simples et honnêtes au fort pouvoir d’identification. On peut s’en rendre compte dès “In Front of Me Now”, le morceau suivant où, sur une musique tout aussi électrique, il exprime sa volonté de ne pas se laisser submerger et de prendre les choses les unes après les autres.
Sur la troisième chanson portant d’ailleurs le titre de l’album, c’est le retour à une musique plus calme et mélancolique où on se laisse porter par une mélodie réconfortante à la beauté pure et simple qui, tout en étant du Nada Surf plein et entier, touche à l’universel. Sur ce disque comme sur les précédents, nous avons droit à une alternance de titres plus dynamiques qui filent la pêche et donnent souvent envie de reprendre les paroles, et de titres plus calmes vraiment attendrissants, le tout mettant toujours en évidence le même talent mélodique hors pair et procurant toujours une grande émotion. Nada Surf démontre encore une fois qu’il peut exceller dans les deux domaines.
Par exemple, le morceau “Intel and Dreams”, par sa vigueur, fait beaucoup penser aux Ramones, autres grands mélodistes pop, d’autant qu’il ne dure guère plus de deux minutes, comme les illustres faux frères du Queens à leur grande époque. Plus loin, nichée au cœur de l’album, “New Propeller” en prend le contrepied : une ballade proche de la perfection qui, avec son refrain renversant, vous fait attendre une sorte de félicité pop bienheureuse et particulièrement touchante. A la toute fin du disque, la sensation est similaire avec “Floater”, douce ballade mélancolique caractéristique de Nada Surf (qui, tout comme “New Propeller”, est d’ailleurs à ranger parmi les plus belles de leur carrière) où, en clôture, le titre répété à plusieurs reprises, tout en faisant regretter que ce soit déjà terminé, donne aussi envie de le fredonner pour accompagner le groupe vers la sortie.
Avec ce nouvel album, sûrement un de leurs meilleurs, les New-Yorkais mettent donc du baume au cœur de l’auditeur qui y trouve un refuge idéal, en particulier en ces temps de grande confusion. L’auditeur en question en arrive même à se demander : peut-on se sentir aussi bien et aussi à l’aise que dans un album de Nada Surf comme celui-ci ? Bien sûr, la réponse est dans la question.