Sur son nouvel album, le chanteur canadien Whitney K développe une réelle coolitude amenée avec élégance et détachement, sur une sorte de country moderne pouvant manier différents styles avec aisance.
Dans la musique, il peut arriver que l’on croise des artistes assez insaisissables charriant diverses influences, sachant manier les contrastes pour, au bout du compte, créer leur propre identité composite qu’ils savent affirmer avec talent. Nous en avons un bon exemple avec Whitney K, le projet musical du chanteur canadien Konner Whitney, qui depuis son apparition sur le devant de la scène au début de cette décennie a pu toucher différents styles musicaux tout en sachant rapidement se les approprier. Cela a été notamment le cas avec l’excellent EP “Hard To Be A God” qui, en 2022, le plaçait, en quelque sorte, au croisement de la liberté harmonique de Tim Buckley, du storytelling élégant de Leonard Cohen et de l’insolence électrique de Lou Reed. Dans la continuité, il sortait l’année suivante l’album live “Vivi!” qui donnait parfois l’impression d’écouter une nouvelle version du “Live 1969” du Velvet Underground. Afin de pouvoir utiliser différents registres avec une telle facilité, il faut dire que, depuis quelques années, il est admirablement épaulé par les très bons musiciens Josh Boguski, Avalon Tassonyi et Michael Halls qui l’accompagnent dans cette aventure. C’est d’ailleurs ensemble qu’ils ont enregistré dans leur home studio de Montréal ce nouvel album.
Très clairement, à l’écoute de celui-ci, se dégage d’emblée une réelle ambiance cool, relax et décontractée que Whitney K sait instaurer avec une élégance continue rendant les chansons éminemment séduisantes. La maîtrise dont il faut preuve, assez impériale par moments, ne peut alors que conquérir le cœur des mélomanes osant s’y abandonner. Nous en avons la démonstration dès “Heaven”, le morceau d’ouverture, où avec sa voix aussi assurée que relâchée, le Canadien se pose d’entrée en parangon de coolitude. Après le morceau suivant “Something Strange” qui dégage la même impression de relâchement, avec “Jolene”, sur un rythme tout aussi détendu, apparaît une country douce-amère à la Eels que Whitney K voit comme un épilogue au classique de Dolly Parton. Cette chanson est d’ailleurs le signe d’un net penchant country sur ce nouveau disque, en particulier avec l’usage, sur celle-ci comme sur quelques autres, de la pedal steel guitar.
Par la suite, encore une fois, d’autres influences peuvent ressortir comme sur “Freud Estate” qui, avec son alternance entre des couplets en chanté-parlé et un refrain où des chœurs féminins accompagnent une voix plus haute de Whitney K, peut rappeler Baxter Dury, autre chanteur uber cool. Sur certains autres titres, c’est une relative lenteur qui se dégage, le Montréalais semblant prendre son temps pour distiller sa musique, pouvant alors évoquer Bill Callahan (“TV Dreaming”) ou son compatriote Mac DeMarco (“Lately”). Concernant les modèles, il y en a tout de même un qui revient régulièrement dans la carrière de Whitney K et qui transparaît de manière évidente sur le morceau “Sunshine2” : en effet, même si la pedal steel guitar est ici bien présente, ce qui est développé tout du long, qu’il s’agisse du rythme, des riffs ou du chant, ne peut que faire pense à Lou Reed, mais un Lou Reed country !
Whitney K sait aussi employer plus de douceur sur ce disque, comme sur “Morning After”, avec ses chœurs féminins et ses beaux arpèges de guitare fins et légers tournant élégamment, ou sur “We’ll See” où le rythme plutôt pépère de la chanson fait doucement dodeliner de la tête. Quant à “Apocalypse Rock”, elle a surtout le mérite de rester durablement dans le crâne avec ce chant toujours aussi détaché, le titre du morceau plusieurs fois répété et un tempo qui la rend véritablement accrocheuse. Par son assurance apparente, par sa parfaite maîtrise de son sujet, Whitney K ne peut effectivement que nous charmer.
Comme tout le monde aura pu le constater, de nombreuses références auront été énoncées dans cette chronique, mais des références à des personnalités sachant souvent cultiver une certaine cool attitude, un certain détachement que Whitney K sait faire sien, y compris dans son aptitude à manier différents styles toujours avec un recul mesuré. Surtout, il a su ici produire une musique globalement détendue et qui détend justement, qui fait du bien. Sur ce disque, la preuve ultime en est d’ailleurs “Rosy”, chanson semblant raconter un rêve étrange et qui, par son rythme prenant, par la légèreté de ses arrangements et par sa voix toujours aussi calme a tous les atours du tube potentiel, mais un tube dans un monde normal, dans un monde justement plus… cool.
