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Disques

Cosmic Ears – Traces

Trois générations de jazzeux suédois cultes jamment avec leurs potes et revisitent le répertoire au sens large. Comme pour l’ethiojazz : le meilleur disque de jazz pour ceux qui n’aiment pas le jazz (et ceux qui l’aiment).

Et voilà qu’on nous refait le coup du supergroupe pour nous prendre une nouvelle fois au piège de la légende. Et le pire, c’est que cela marche.

Soit donc Christer Bothén, en patriarche et figure tutélaire et centrale de ces oreilles cosmiques, auréolé de sa légende de compagnon de Don Cherry dans sa période suédoise et musicien de génie aux piano, clarinette basse et donso n’goni.

Accompagné du non moins culte Mats Gustafsson, sax et autres accessoires et de Goran Kajfes, génération n+1 à la trompette. Soient donc trois générations de génies, jazzmen curieux, briseurs de frontières, amateurs d’ensembles variés (Fire ! et Fire Orchestra !, entre autres !, pour Mats, Goran Kajfes Orchestra…) et de rencontres, aux voix et aux sons si singuliers qu’on est tout de suite happé par leur présence.

C’est, au minimum, une réunion au sommet de plus ou moins vieux briscards toujours verts, entourés d’une sacrée section rythmique avec Juan Romero aux congas, berimbau et percussions (pour, en plus, une touche latino) et Kansan Zetterberg à la contrebasse mais, aussi, au donso n’goni. C’est dire la folie de l’ensemble.

Au programme, une relecture (les fameuses “Traces”) de titres de Don Cherry et de compositions de notre trio de tête, mais passées au filtre des techniques et expériences diverses des musiciens. Ainsi la musique, qui résulte du passage au travers de ces strates de sédimentation, est résolument nouvelle mais évoque ici ou là, soit des disques, soit des concerts, soit des sons entendus ailleurs. La relecture de “Love Train” de Don Cherry sera ainsi peut-être la plus éclairante : c’est à la fois un standard et une plateforme pour des horizons nouveaux. Comme dans les meilleures formations, personne ne tire la couverture à soi mais chacun a cœur de laisser s’épanouir les uns et les autres. Alors, entre la furie au sax de Gustafsson, pourtant chère à nos oreilles et à notre peau, et celle de Goran Kajfes à la trompette, on ne choisit pas. Toutes les parties de Christer Bothén que ce soit au piano ou à la clarinette basse sont à tomber par terre, quand il ne duetise pas au donso n’goni avec Kansan Zetterberg. 

Cosmic Ears, c’est cinquante ans de jazz tous azimuts, compilé, digéré, pratiqué, replongé dans ses diverses racines (Afrique du Nord et de l’Ouest) et autres transplantations (Amérique du Sud). Bref, une musique rhizomique faisant feu de tout bois, y compris de l’électronique la plus destroy, car tout est musique.

Cosmic Ears, c’est sans doute l’un des meilleurs concerts de l’année passée vus à Rönnels Antikvariat, sans compter le plaisir de voir cet incroyable mélange de générations batifoler, voire chahuter ensemble. 

Pourvu que ça dure, et longue vie à Christer Bothén qui continue de nous enchanter.

Avec l’aide de Johanna D., gnawa du schnorr.

“Traces” de Cosmic Ears est sorti chez We Jazz Records le 23 mai 2025.


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