Rachel Brown et Nate Amos compilent trois décennies de pop-rock électronique en 29 minutes. Un pêle-mêle qui touche au sublime.
Ecouter Water From Your Eyes donne l’impression d’être projeté dans un mix improbable brassant tout le rock indépendant de la seconde moitié des années 90. Un mélange à la fois précis et foutraque que le duo formé par Rachel Brown et Nate Amos trimbale depuis ses débuts. La voix détachée de la chanteuse peut autant évoquer un chant atonal surnageant au milieu de guitares shoegaze qu’une malicieuse mélodie que n’aurait pas reniée Laetitia Sadier. La guitare joue des motifs clairs et répétitifs, parfois jusqu’à l’outrance, puis laisse la place à une distorsion généreuse avant de disparaître au profil d’une boite à rythmes electro-hip-hop, le tout dans un geste radical. Tout cela arrive parfois dans un même morceau et cela n’est pas sans nous rappeler l’amour du détail qu’un groupe comme Pinback nous offrait au travers de ses compositions.
Passé un sample qui trouvera un écho supplémentaire à la fin du disque, le duo démarre avec “Life Signs“, convoquant tout et son contraire dans un geste musical d’une facilité désarmante. Des tubes aussi instantanés, on en trouve à la pelle sur “It’s a Beautiful Place“, le sixième album de Rachel Brown et Nate Amos, qui officie aussi en solo sous le nom de This Is Lorelei. D’écoute en écoute, ces dix titres – dont certains durent moins d’une minute – évoluent de mille façons différentes, comme un méta-disque de dance-punk qui nous interrogerait de la plus belle des manières : comment rester optimistes dans un monde comme le nôtre ?
L’ensemble des compositions de “It’s a Beautiful Place“ ont apparemment été enregistrées dans la chambre de Nate Amos avec une guitare et un ordinateur. “Born 2“ semble confirmer cette hypothèse : trois accords de guitare distordus viennent noyer une boîte à rythme complexe et répétitive tandis que Rachel Brown répète en boucle “What ? Are we trapped ? Psychopath, psychopath“. Une litanie de courte durée qui laisse la place aux nappes de synthétiseurs de l’instrumental “You Don’t Believe in God ?“. Tout semble avoir été imaginé comme un aller-retour entre l’expérimental et la pop, le punk et l’eurodance, le math-rock et la synth-wave, la précision et le chaos.
A la fin de ces dix titres tous aussi entêtants les uns que les autres, une seule question demeure : comment seront-ils joués sur scène ? Un seul moyen de le savoir, venir voir Water From Your Eyes à la Boule Noire le 2 décembre. Il va sans dire que l’on va tout faire pour y être.
