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Festival Outsiders : Malcolm Middleton en dix morceaux

Le troisième soirée du festival Outsiders organisé par nos camarades du webzine Sun Burns Out, le 9 octobre au Supersonic Records dans le quartier de la Bastille à Paris, aura pour tête d’affiche Malcolm Middleton, qui mène une belle carrière solo à côté de son groupe Arab Strap. Nous avons demandé à l’un des programmateurs du festival et grand connaisseur de l’œuvre de l’Ecossais, Benjamin Berton, de choisir et commenter dix morceaux de sa riche discographie.

Démarrée en 2002 avec 5:14 Fluoxytine Seagull Alcohol John Nicotine, l’un des albums au titre le plus difficile à retenir du monde, la carrière solo de Malcolm Middleton compte aujourd’hui une petite dizaine d’albums studio et quelques lives, auxquels s’ajoutent des projets collaboratifs ou légèrement décentrés comme Human Don’t Be Angry (trois albums) ou Lichen Slow. Elle est entrecoupée de larges absences où se déploie ou se redéploie l’activité d’Arab Strap, le groupe phare de l’artiste, et est marquée par un thème omniprésent et que l’Ecossais n’envisage pas toujours comme un sujet plombant : la dépression !
Car dans le titre initial (la fluoxytine est un antidépresseur) comme dans son dernier album en date, Bananas (2018), il n’est presque question que de ça : comment vivre quand tout est foutu ? Quand la mort rôde ? Quand l’amour s’effondre ? Quand on est seul (ou en couple), mort de trouille pour soi, ses enfants, sa famille ? C’est autour de ces questionnements qui suffiraient à faire fuir n’importe quel amateur potentiel que Middleton a réussi le prodige de construire des disques lumineux, souvent emballants, dansants et globalement très pop… qui, bien que parlant d’un type au fond du trou, donnent à l’écoute une énergie, une pêche et une envie de vivre extraordinaires. On a choisi un parcours en quelques jalons, sachant que pour nous, et ce n’est pas si fréquent, le dernier LP en date (Bananas, donc) est le meilleur d’entre tous et celui qui selon nous regorge des plus belles créations de Middleton.


Le système Middleton est en place dès la première chanson. Une voix désolée, une guitare électrique ou acoustique qui se balade entre rock éruptif et folk-rock et des punchlines infiniment déprimées comme « I can guarantee a bad time and yes I can promise tears / I can destroy hope ». Ce premier album est sympathique mais, avec le recul, manque de peps et de dynamisme. La maturation de Middleton l’amènera progressivement à mettre du rythme dans sa déprime et à en faire paradoxalement une source d’allégresse… pour l’auditeur. Crappo the Clown (en couverture) pose tout de même le personnage de clown (blanc – roux) triste.


Dès Into the Woods, son deuxième album et peut-être le plus connu, Middleton trouve la formule magique : déprime et rythme endiablé. Les chansons ont des refrains irrésistibles et l’artiste « chante » littéralement la déprime avec un recul et une forme de vivacité qui époustouflent. La noirceur prend dans la bouche de Middleton des formes presque attirantes.


Peut-être ma chanson préférée de Middleton. Le côté éruptif et bouillant est présent d’emblée. C’est une cathédrale sonique qui articule l’état dépressif et le fait de s’accrocher au peu qu’on a : amis, relations, amitié. Un titre brillant où la solitude brille de mille feux comme un flambeau dans une gangue d’obsidienne. Quel morceau !


A Brighter Beat, comme son nom l’indique, est l’album cocooning et le plus positif de Middleton. Qu’on se rassure, chaque embellie est forcément fragile et inquiète. « Fuck it I love you, there you go/
Three little words on a mobile phone / When are you coming home? / When are you coming home? / Don’t wanna be alone
 ». Tout est fabuleux ici : textes, musique, intonation. Dans le registre folk-rock, Middleton est au sommet du genre.


Difficile de ne pas choisir ce morceau-ci. C’est un peu le single emblématique… Un morceau pour Noël avec son clip dégueu. On est au sommet de l’angoisse de mort. On ne sait pas si Middleton souhaite qu’elle vienne le cueillir ou gueule pour la mettre à distance. Il y a une telle force et une telle fébrilité qui se mélangent… C’est assez inédit.


Il y a quelques grandes chansons chez Middleton. Celle-ci en fait partie et pas seulement parce qu’elle dure plus de sept minutes. C’est pour moi le pendant lumineux et amoureux de Loneliness Shines. Une de ces chansons « ligne claire » honnêtes, lucides et charmantes qui illuminent une vie. Le texte est beau comme du Nick Hornby : « Love is a battlefield / Love is a car with a cracked windowshield / Love is raining in Glasgow / Love is a lie / Love is for TV and movie stars /
Love is for songs played on slow guitars / Love is for boyracers and their cars / Love is a lie I’m a liar
Love is a lie you’re a liar /Love is a why did you lie to me? »


A l’échelle de Middleton, c’est presque un tube. Là encore presque incontournable même si je préfère Ballad of Fuck All sur cet album Waxing Gibbous. C’est Middleton qui se prend pour Jonathan Richman et chante sur un objet du quotidien : des chaussettes rouges, et évidemment chanter des chaussettes c’est chanter sur les pieds qui les portent, sur leur destination, les envies de départ, l’amour quand même. Ce n’est pas inintéressant.


Malcolm Middleton a réalisé un album entier avec l’artiste écossais David Shrigley, qui est un dessinateur et un slameur à ses heures. Un vrai artiste contemporain. Et il y a ce morceau d’ouverture qui est le seul exemple, comique heureusement, de misanthropie complète chez Middleton. C’est absolument atroce et jouissif. Un vrai jeu de massacre. La diction de Shrigley est géniale et on vous laisse apprécier.


Il y a cette référence à Buzz L’Eclair, le personnage de Toy Story, et ce n’est pas le moindre miracle de cette chanson de 8 minutes. Un père dépressif s’arrache à la tristesse pour fabriquer avec du carton un casque de Buzz à son gamin qui rentre de l’école. La musique est fabuleuse, pop et jazz. C’est mélancolique et beau à pleurer. L’album Bananas est un chef d’œuvre et je pourrais conseiller la quasi-totalité du disque.


On termine sur celle-ci mais on aurait pu prendre Gut Feeling ou Twilight Zone qui est incroyable. What a Life est une sorte de chanson d’amour.. désabusée. Elle est si simple. « What a life spent hanging around with you / I can’t change, and there’s nothing I can do » Ce sont mes vers préférés de Middleton. Quelle vie, ça a été de traîner avec toi, il dit à sa copine. Et c’est exactement ça. Une sorte de bonheur qui ressemble à une galère. Un truc qui dure et qui se termine sans arrêt mais qui n’a pas d’égal. Là encore, Middleton est d’une justesse folle et saisit exactement ce qu’on pense parfois dans un couple.


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