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Concerts

The Lemonheads, Café de la danse, 18 septembre 2025

The Lemonheads live en 2025, avec une setlist centrée sur les grandes années (90) du groupe : frustrant, quoique brillant par intermittences.

Evan Dando vit dans une temporalité qui n’est pas celle du commun des mortels. Alors qu’un nouvel album des Lemonheads, le plutôt inspiré “Love Chant” – sa première collection de chansons originales depuis… 19 ans –, sort dans un mois sur Fire Records, ce qui doit par ailleurs coïncider avec la publication de son autobiographie, le voici qui tourne en Europe puis aux Etats-Unis depuis le mois d’août pour jouer essentiellement des morceaux des années 90, en particulier ceux de “Come on Feel the Lemonheads” (1993). Mais après tout, pourquoi pas ? Nous voici donc partis pour le Café de la danse un jour de grève (sans grande incidence sur nos déplacements, merci les lignes de métro automatiques).
La salle est correctement remplie mais le concert n’est pas complet, et on apprend en arrivant qu’il y a deux premières parties, qu’on a manqué la première (elle a dû commencer tôt…) et que la seconde s’appelle Foggy Bottom. Le quartette de Thionville existe depuis 28 ans, et sa musique rappelle ce qu’on écoutait dans les années 90 – bien dans le ton de la soirée, donc. Soit une noisy pop assez accrocheuse malgré le chant souvent limite, et en français dans le texte même si on a du mal à entendre les paroles. Le tout joué avec modestie et conviction. Bel effort, salué par un public bienveillant.

Le changement de plateau a tendance à traîner en longueur, et on commence à s’inquiéter : le Café de la danse ayant un couvre-feu strict à 22h30, le concert risque d’être court… Mais Evan Dando vit dans une temporalité, etc. Enfin, à 21h30, il arrive sur scène avec ses deux acolytes, le bassiste Farley Glavin et le batteur John Kent (l’étrange rumeur que J Mascis, qui joue de la guitare sur le nouvel album, serait derrière les fûts avait couru… eh bien non, dommage). Evan fait des gestes erratiques avant de se planter derrière le micro. S’il jure avoir enfin arrêté les drogues dures – on est prêt à le croire –, force est de constater que l’ex-poster boy des années grunge a pris cher… Et sa voix aussi, comme on va pouvoir s’en rendre compte dès le premier morceau, “Hospital”, seul extrait (nous semble-t-il) de l’inégal mais attachant “Car Button Cloth” (1996) joué ce soir-là. Ça reste quand même moins douloureux qu’un concert de Renaud, et plus énergique, le trio ayant tendance à enchaîner les morceaux sans reprendre son souffle.

La présence sur scène de guitares acoustiques 6 et 12 cordes et d’un orgue laisse espérer des moments plus apaisés comme sur certaines dates antérieures… mais Dando n’y touchera pas. Ses quelques adresses au public seront parfois lunaires (il se souvient qu’adolescent, il passait ses étés à Biarritz à faire du surf, indiquant même les années, et parle de glace à la pistache) et pas toujours compréhensibles, mais au moins il n’insultera personne. Pour ce qui est de la setlist, le concert se poursuit par quelques extraits de “It’s a Shame About Ray” (mais pas le génial morceau titre, apparemment prévu en deuxième rappel et qui sera finalement zappé…), puis la quasi-intégralité de “Come on Feel…”, dans l’ordre du disque, qui donne lieu à quelques beaux moments. Car malgré tous ses efforts, l’imprévisible et bordélique chanteur-guitariste aux cheveux dans les yeux ne parvient pas à massacrer complètement des merveilles du calibre de “The Great Big No”, “Into Your Arms” ou “It’s About Time”. On est moins convaincu par sa version de “Style” (ou “Rick James Style”) sur laquelle il passe à la basse, mais elle a le mérite d’apporter un peu de variété au set.


La section rythmique parvient à donner une assise aux morceaux, même si c’est parfois elle qui tente de suivre son leader un brin bancal. A plusieurs reprises, on craindra que le concert ne parte complètement en vrille, Dando faisant de grands gestes à l’attention de l’ingé son au milieu d’une chanson pour qu’il monte les niveaux, réglant lui-même ses amplis, renversant sans raison un pied de micro, sautillant sur place… Au sol, une grande feuille de papier (au moins du A3), qu’on prend d’abord pour la setlist, semble en fait être une antisèche géante, sans doute avec les paroles des nouvelles compositions. Le concert se terminera justement avec trois extraits de “Love Chant”, vite expédiés et chantés un peu n’importe comment. 22H40, le trio quitte la scène, et même si on feint d’y croire quelques minutes, on sait qu’il ne reviendra pas.

Les jours suivants, plusieurs amis nous demanderont « comment c’était ». Que répondre, à part « ça aurait pu être mieux, mais ça aurait sans doute pu être pire » ? Le lendemain au Hasard ludique pour le Paris Popfest, Comet Gain jouera un concert un brin chaotique, le groupe n’ayant pas trop l’habitude de répéter, mais émaillé là aussi de moments brillants et excitants. Et le chanteur-guitariste David Christian nous dira que si on veut un groupe qui joue en live comme sur les disques, on n’a qu’à aller écouter Coldplay. Comme lui, Evan Dando est l’un des derniers à faire vivre un certain esprit “indie” qui préfère la spontanéité à la perfection. C’est frustrant, parfois, mais précieux, au fond.


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