Cela faisait longtemps que POPnews n’avait pas fait un crochet en ce milieu d’automne pour le festival des Rockomotives à Vendôme, dans le Loir-et-Cher. Un festival à taille humaine, valeur sûre dans le paysage français et qui a offert plus que son lot de bons moments et belles découvertes, entre inventivité folk, fusions inattendues et électro puissante (entre autres) : compte rendu tardif mais complet !
Jeudi 30 octobre
C’est par un temps mitigé que nous effectuons nos premiers pas sur le festival, qui accueille comme il se doit les spectateurs avec un apéritif offert par le Syndicat des musiques actuelles, qui organisait dans l’après-midi une rencontre autour des enjeux dans la ruralité. Oui, il est 17h, l’heure idoine pour goûter quelques spécialités locales avant de profiter du premier concert de la journée, celui de Mossaï Mossaï, proposé dans la salle du 3ème volume du Minotaure. Signé sur le label local Figures Libres, au catalogue fourni et fort intéressant, le groupe va offrir une très belle prestation, dans la droite ligne de son deuxième album “Fourrière”, paru un peu plus tôt dans l’année. Du noise, des textes puissants, une cohésion impressionnante : Mossaï Mossaï frappe fort et juste, avec un sens du timing admirable pour doser déflagrations et moments de faux calme. Très belle entrée en matière, donc !
C’est une autre formation française que l’on retrouve dans la grande salle, Bryan’s Magic Tears, qui joue hélas devant un public encore un peu clairsemé. On dit hélas car leur rock shoegaze/baggy ne manque pas de qualités, entre mélodies psyché, grosses guitares et rythmiques appuyées, qui forment un bel équilibre. Une poignée de titres pourraient même écoper du titre de “tubes” (“Stalker” ou “Raised by Rain”), mais en attendant, le quintette a confirmé des belles dispositions déjà entendues quelques mois plus tôt.
Après un tour pour se sustenter, et s’hydrater, retour dans la salle pour retrouver Prohibition, qui vient fêter les trente ans de “Cobweb-day”, avec toujours la même énergie, la même envie d’en découdre avec ce post-punk/jazz généreusement éclairé par les idées mélodiques qui surgissent, la liberté de Quentin Rollet ou la connexion des frères Laureau. C’était très bien, et un vrai rappel que certains groupes passent le test du temps avec brio.




S’ils n’ont pas autant de kilomètres au compteur que Prohibition, les trois musiciens qui forment Odezenne ont quand même une longue carrière derrière eux, et une image soigneusement entretenue sans réelle promo, en entretenant un lien direct avec ses fans. C’est du rap qui n’en est pas tout à fait, avec des textes parfois crus, parfois dans l’émotion pure, c’est aussi un gros kif pour ces interprètes qui démontrent un bel enthousiasme. Quelques perles (“Bleu fuschia”, “Hardcore”, “Vodka” ou “Je veux te baiser”) dans cette heure qui a su énergiser un public encore un peu clairsemé en cette première journée.
On passera plus vite sur Keg, formation anglaise qui nous échappe un peu, pour saluer les jeunes Autrichiennes de Cousines Like Shit (sic). Derrière ce nom… cryptique, deux cousines – ça ne s’invente pas -, Hannah et Laura Breitfuss, une bonne section rythmique et une indie pop bien troussée, qui fait dodeliner de la tête voire carrément danser sur certains titres. Le cadre – dans l’espace bar, à côté des DJ de la soirée – est plus intime et au final très approprié pour ce qui signera, pour nous, la fin de cette belle première journée !
Vendredi 31 octobre
C’est certes jour d’Halloween, mais rien de très effrayant à l’horizon, et le début de journée est surtout ponctuée de sessions acoustiques, que l’on réalise en bonne partie avec nos confrères du Cargo, avec même une très belle éclaircie le temps d’un morceau avec Primevère (voir les sessions avec Common Insight / Primevère / Boo Radleys).
Avant justement de se pencher sur la prestation de la bande menée par Romain Benard, c’est Xameleon qui ouvre cette fin d’après-midi au 3ème volume du Minotaure. Trio qui navigue aux frontières d’une pop très délicate et d’un folk ambitieux, il offre quelques belles envolées, immortalisées notamment sur le récent album “Solitudes”. On appréciera aussi le jeu du guitariste, qui s’aventure sans sourciller sur de réussis solos, eh oui, et la surprise d’avoir repris un titre de Keane. Primevère prend la suite, en formation quatuor, pour présenter son nouveau disque “III” et faire découvrir sa remarquable chanson folk en français. On y sent quelques influences (de Murat à Boogaerts, ou encore la créativité de Cate Le Bon), mais le talent d’écriture de Romain Bénard n’appartient qu’à lui, et cela donne un set remarquable, entre délicatesse (“Rêve”, “Cérémonies”) et quelques coups d’électricité (“La Beauté”), sans oublier quelques escapades sur les précédents disques. Si vous ne connaissez pas encore Primevère, il est grand temps de les découvrir.




La suite, c’est une tête connue qui l’assure car c’est Yann Tiersen qui ouvre la soirée dans la grande salle du Minotaure. Le public est nettement plus dense que la journée précédente, mais il va aussi être surpris par le set assez radical proposé par le Breton. Engagé (drapeaux palestiniens, chanson en hommage à Dolores Ibarruri, autrice de “No Pasaràn”) et électronique quasiment à 100%, le concert a le mérite de réveiller les foules et de faire preuve d’une efficacité assez remarquable. L’enchaînement, une petite demi-heure plus tard, avec les Boo Radleys, n’en est que plus surprenant. On retrouve les Anglais dans une belle forme, avec leurs mélodies pop qui changent radicalement l’ambiance et convainquent directement : “Wish I Was Skinny”, “Kingsize” ou “What’s in the Box (See Whatcha Got)” font ainsi partie d’une setlist d’une heure environ, sans temps faibles, et qui n’a pas manqué de faire danser quelques personnes dans l’audience.
La suite avec l’Allemande Anika et sa synth pop ultra sombre déroute donc d’autant plus. Sonorités martiales, froideur totale, et la musicienne met à distance l’audience avec une attitude entre les morceaux un brin cassante, qui ne rend pas justice à l’efficacité réelle de sa musique. Pour clôturer notre soirée, ce sera le set de Molécule, techno très puissante mais qui a le mérite de s’adresser au corps et de ne pas prendre de chemins détournés. On nous dira par la suite beaucoup de bien des prestations des Anglais de Knives et de Double Vitrage qui terminaient la soirée.
Samedi 1er novembre
Le programme est une fois de plus généreux pour cette dernière journée. Direction la Chapelle Saint-Jacques pour y découvrir Reymour, duo suisse formé par Lou Savary et Luc Bersier, qui jouit d’une belle réputation… et qui nous avait échappé, on le confesse. Cette prestation donne envie de rattraper cet état de fait, tant la dreampop – parfois un peu rugueuse – du duo est réussie, avec juste ce qu’il faut de consistance pour accrocher l’oreille. C’est assez original, charmeur mais en évitant la facilité. La facilité, voilà quelque chose à laquelle ne s’adonne pas NLF3 qui prend la suite, et le trio formé par les frère Laureau et Jean-Michel Pirès à la batterie fait un sans-faute. On a souvent vanté la qualité de la musique du groupe dans nos pages, et ce set d’environ quarante-cinq minutes n’aura comme seul “défaut” que sa brièveté.
De retour au 3ème volume du Minotaure, ce sont d’abord des revenants qu’on a sous les yeux. Il y a longtemps en effet que l’on attend le retour de Montgomery, “Stromboli”, second album du groupe remontant à… 2009. Mais sur scène, la formation autour de Thomas Poli a toujours de la classe, de l’énergie sonique qui vont de pair avec de solides mélodies, et la salle – pleine – ne s’y trompe pas. Après cet excellent set – 50 minutes, rappel compris -, c’est un groupe jeune mais expérimenté qui prend la suite, les Stuffed Foxes ayant trois albums au compteur. Forcément, six musiciens, ça fait de la puissance sonore, aucun doute là-dessus et on en prend plein les oreilles, entre shoegaze, noise, le tout restant varié et assez captivant. Si Stuffed Foxes ne recule pas devant des changements de style audacieux, il peut arriver que le groupe se laisse un peu submerger par sa propre puissance, mais rien de très grave. On notera au passage l’invitation lancée à Thomas Poli de les accompagner le temps d’un morceau.
La soirée au Minotaure s’annonce une fois de plus bien dense, et va nous amener jusqu’à une heure avancée. Alors pour commencer, on retrouve Atomique Flav dans le hall, à côté du bar, avec un set-up assez impressionnant. Leader de Jim Ballon, Flavien Légland fait décoller sa pop psyché avec tout un tas de machines, pour un set assez trippant qui oscille entre Flavien Berger et de la musique club, qui fait osciller les corps avec succès.
Après une pause restauration un peu longue, on prend le set de Geysir avec un peu de retard. On le regrette un tantinet, car on aime beaucoup la musique du duo, dont l’album “Tanzwelle”, sorti il y a un an, était une réussite. L’incarnation sur scène fonctionne très bien, avec un peu plus de textures, d’aspérités, et donne envie de se replonger dans la discographie de Lionel Laquerrière et Marie-Céline Leguy. On apprécie que le festival mette aussi bien en valeur des groupes peu connus, certes de son label Figures Libres, mais c’est aussi ça l’ADN des Rockomotives.
L’autre caractéristique du festival (entre autres), ce sont les changements de styles, comme ce soir avec En Attendant Ana pour la suite du programme. On est évidemment très heureux de retrouver la formation tant on a écouté “Principia”, et entendre certains titres (“Wonder”, “The Cut Off”, “Ada, Mary, Diane”…) fait chaud au cœur. Le groupe, qui devrait sortir un nouveau disque l’an prochain, distille toujours autant de joie dans sa pop qui apporte une autre lumière à la soirée.







C’est le groupe que l’on peut qualifier le plus sûrement de “tête d’affiche”, si tant est que cette notion ait encore un sens : Kompromat, duo formé de Rebeka Warrior et Vitalic, prend la scène devant une audience très compacte, et qui réagit à chaque geste ou mot de la chanteuse. La subtilité n’est pas vraiment au rendez-vous, mais Kompromat déploie une sacrée artillerie pour convaincre, avec les beats massifs de Vitalic et Rebeka Warrior, qui met quelques temps avant de s’adresser à la foule mais qui la captive totalement. Difficile de nier l’efficacité de certains titres, de “Lift Me Up” à “Niemand” ou “I Let Myself Go Blind”. Le public en redemande, a droit à un slam généreux de la chanteuse, qui va même inspirer une spectatrice d’un âge “avancé” – pour l’exercice, on précise !
La conclusion sera bruyante, presque violente, avec le duo Pneu, qui est installé au milieu de la salle et envoie des missiles noise en plein dans la tronche du public. Passez-nous l’expression, mais c’est une réelle expérience que le tandem offre, une ultime déflagration et incarnation de l’ADN du festival : audacieux, généreux, hors des sentiers battus. On repartira de Vendôme au petit matin, sous une pluie froide, mais avec plein de beaux souvenirs d’un festival généreux, à taille humaine mais qui ne fait pas de concession sur l’artistique ou l’accueil du public.
Revivre en vidéo le festival avec l’aftermovie
Un très grand merci à Jean-Philippe et Clara pour l’accueil !
