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Disques

Dale Cooper Quartet & The Dictaphones – Astrild Astrild

Dale Cooper - Astrild Astrild

Avec « Astrild Astrild », leur quatrième album, les Brestois de Dale Cooper Quartet & The Dictaphones signent sans doute leur œuvre la plus incisive, quelque part entre la dépouille d’un jazz et les ruines du post-rock.

Il serait idiot de limiter Dale Cooper Quartet & The Dictaphones à un énième projet jazz plus ou moins inspiré des B.O. des films de David Lynch signés par Angelo Badalamenti (leur nom est évidemment un clin d’œil à “Twin Peaks”). Certes, on a longtemps comparé les Brestois à Bohren & Der Club Of Gore ou encore The Kilimandjaro Darkjazz Ensemble, sauf que le Dale Cooper Quartet a eu l’intelligence de ne pas se laisser enfermer dans des cases.

A l’écoute d' »Astrild Astrild », on peut aisément parler de bond de géant pour le groupe qui s’affranchit de toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existés. Si un qualificatif est adapté à leur musique, c’est bien celui de déroutant. Dale Cooper Quartet chemine à vue à travers des chemins de bataille fumants, des zones en friche, des usines désaffectées. Prenez « Mia Outarde Bondon », qui doit autant au rock industriel qu’à une noise ambient à la façon d’un Tim Hecker. Belle entrée en matière ici, comme si l’on se plongeait dans le Londres de la révolution industrielle d’ « Elephant Man ». 

La musique de Dale Cooper Quartet est brumeuse et cotonneuse, presque sourde, ni vraiment sombre ni vraiment ouverte. « Pemp Ajour Imposte » évoquera un The Caretaker moins taiseux. On jurerait entendre un vieil air de crooner à travers le fog épais. Etrangement, c’est à Ulver que l’on pensera souvent tout au long de ces sept chansons ténébreuses. Et puis, il y a la voix de Ronan MacErlaine, affirmée et cloîtrée, pas si lointaine de Brendan Perry. On y croise aussi ce que l’on aimait chez Piano Magic.

Les Brestois jouissent également de cette vertu de la durée pour installer leurs propos à base de murmures, de motifs répétitifs et de circonvolutions presque absentes. « Son Mansarde Roselin » en est sans doute le plus bel exemple avec sa construction par couches successives qui doit tant à la musique contemporaine et des artistes comme John Luther Adams. Tout au long de ces titres, on perçoit dans sa chair une tension à vif qui ne dit jamais son nom. On est dans l’impatience du coup qui viendra, qui devra venir.

On trouve pourtant quelque fois des trouées de lumière, une clairière au milieu des bois comme dans « Five Clenche Bouscarte / Ocho Accenteur » avec Gaelle Kerrien et cette voix qui vous rappellera des frissons ressentis à l’écoute des disques de This Mortal Coil.

Dale Cooper Quartet & The Dictaphones illustre l’intranquillité à travers de longues plages à la fois habitées par l’humain mais comme désincarnées, à l’image de « Huis Chevêchette » ou le martèlement de « Ta Châssis Euplecte ». Il y a quelque chose de Minizza, de Coil, de Throbbing Gristle dans le désespoir grinçant des Brestois. On est loin du seul climat cotonneux dans lequel on voudrait parfois enfermer le groupe. Il y a chez eux cette addition de malaise à une recherche de transcendance. Chez Dale Cooper Quartet, avant le bruit, il y a le murmure. Dans le bruit, il y a la pulsation, dans la pulsation, il y a le sang qui circule dans nos veines.

Avec ce quatrième disque, Dale Cooper Quartet & The Dictaphones assume enfin pleinement son identité avec sept titres hantés par la menace et le refus de se laisser aller à la torpeur. Sans aucun doute un des grands grands disques de 2017 et un chef-d’œuvre pour les Brestois.

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