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Festivals

Festival Beauregard, Hérouville-Saint-Clair, 5-6 juillet 2014

Etant indisponibles le jeudi (qui a fait le plein grâce à Stromae), et dans l’impossibilité d’arriver assez tôt le vendredi pour retirer les pass, notre festival de Beauregard 2014 n’aura commencé que le samedi. Une journée où quasiment aucun groupe n’aura été épargné par les averses… Heureusement, le dimanche fut nettement plus sec. En tout cas, même sous la pluie, on aura une fois de plus apprécié les point forts du rassemblement normand : un site magnifique et bien entretenu ; une jauge raisonnable permettent de voir les concerts sur les deux scènes dans des conditions optimales ; un son de bonne qualité dans l’ensemble, et jamais inutilement fort ; une programmation qui ratisse large, mais suffisamment riche en grands noms et en artistes rares pour que le mélomane y trouve son compte ; un accueil sympathique des bénévoles et des équipes de sécurité, au diapason de l’ambiance générale (on a rarement vu autant de familles avec jeunes enfants dans un festival rock) ; de bons produits locaux à déguster, du livarot aux cocktails au calva en passant par la bière artisanale. Et avec une fréquentation qui a dépassé les 80 000 spectateurs sur les quatre soirs, les organisateurs peuvent sans doute envisager l’avenir sereinement, même si chaque édition est une nouvelle aventure.

Compte rendu d’un week-end chargé.

 sanglier

Samedi 5 juillet

Après les Bordelais de Be Quiet sur la scène B, sorte de pendant français de The Horrors ou Toy – encore un peu tendre, mais prometteur -, c’est Zone Libre, le projet (plutôt que groupe) de Serge Teyssot-Gay qu’on découvre sur la grande scène, et sous une pluie battante. L’ancien guitariste de Noir Désir a bénéficié d’une carte blanche du festival et d’une résidence dans une salle d’Hérouville pour développer une création inédite autour des périphéries urbaines et de ceux qui y vivent. Sa guitare au son brut dialogue avec la batterie de l’excellent Cyril Bilbeaud et avec le flow de deux rappeurs/slameurs aux têtes bien faites, le Français Marc Nammour et l’Américain Mike Ladd (en photo ci-dessous). Musique libre, comme le nom l’indique, à la fois exigeante et prenante, loin des vieux poncifs des fusions rock/hip-hop. On sait gré à Serge Teyssot-Gay d’aller toujours de l’avant, quand d’autres se reposeraient sur leurs acquis. Ce fut par ailleurs l’un des rares artistes français (parmi ceux qu’on a vus) à évoquer la situation des intermittents.

Zone LibreRetour sur la scène B où le trio anglais (augmenté d’un batteur) We Have Band a sorti marcel et mini-short comme s’il allait à la plage. Son électro-pop dansante est plutôt basique, mais l’énergie déployée par les quatre musiciens et leur imparable sens du rythme font mouche auprès du public.

We Have Band

Il serait tentant de ne voir dans les Californiens de Foster The People qu’une version adulte et indie de groupes d’ados à mèche type One Direction (sauf qu’on imagine quand même mal les membres de One Direction porter comme le chanteur Mark Foster un T-shirt orné d’une œuvre du regretté artiste underground Mike Kelley). Mais on pourrait aussi les rapprocher de toutes ces formations new wave “commerciales”, pas très prisés de la critique en leur temps, qui savaient écrire des chansons à succès sans pour autant mépriser le public. Sur scène, ils sont six (plusieurs guitares et claviers, pas mal de chœurs), et la boutique tourne. Les titres du nouvel album sont un peu moins évidents, mais la bande à Foster peut compter sur une bonne brochette de tubes (souvent recyclés par la pub ou les émissions télé), au premier rang desquels l’inévitable “Pumped Up Kicks”. Un petit plaisir à peine coupable.

foster

Si Angus et Julia Stone, sur la scène B, nous emmènent aussi en Californie, c’est plutôt celle des années 70, de Crosby, Stills & Nash ou de Neil Young & Crazy Horse, que leur look et leur son évoquent fortement. Rien de très révolutionnaire, donc, mais des chansons touchantes et lumineuses auxquelles la voix sucrée de Julia  – un peu plus loquace que son frère à la conférence de presse – apporte un côté plus pop et moderne. On ne se fait pas prier pour monter avec eux a bord de leur confortable “Big Jet Plane”.

Angus et Julia StoneOn aurait bien aimé voir un peu plus du concert de Vanessa Paradis, mais on s’est retrouvé à faire une demi-heure de queue pour un hamburger-frites (assez bon, certes), avec le son sans l’image. Dommage, car Benjamin Biolay (qui avait joué ici même l’an dernier) faisait apparemment partie des musiciens, chantant même un morceau en duo avec la star qui ne fait pas trop star. Un coup d’œil sur l’écran géant aura en tout cas permis de constater que l’ex-lolita des années Top 50 est très à l’aise sur scène, et qu’elle touche au moins deux générations de fans. La setlist couvrait d’ailleurs en une heure l’ensemble de sa carrière : “Marilyn & John”, “Tandem”, “Divine Idylle”… De la variété-pop plutôt digne.

Sur la scène B, c’est un artiste nettement plus rare en France (et, reconnaissons-le, d’une autre stature) qui prend le relais : le “Modfather” Paul Weller en personne. Une heure de concert, c’est évidemment peu pour celui qui a dû sortir une vingtaine d’albums, avec The Jam, The Style Council puis en solo, et les morceaux s’enchaînent donc à vitesse grand V. De toute façon, Weller n’est pas réputé pour raconter sa vie au public. Entouré de musiciens plus jeunes et plein de mordant, il revisite pied au plancher sa riche carrière, ne s’arrêtant que pour tirer une taffe ou pour passer de la guitare à l’orgue. Les cheveux ont blanchi (le coupe à la Rod Stewart n’a pas trop changé, en revanche), mais le quinqua a encore la forme. Si le set fait la part belle aux années solo, c’est à des morceaux plus anciens que l’on devra les moments les plus émouvants : “My Ever Changing Moods” de Style Council et, en finale, “Start” de The Jam. Un moment unique au sens premier du terme, puisque c’était sa seule apparition française cet été.

Weller

Dès le concert de Paul Weller terminé, on court jusqu’à la grande scène pour assister à ce qui promet d’être l’un des sommets de cette 6e édition de Beauregard : le concert de Portishead, dont les dernières traces discographiques remontent à 2009. Aucun nouvel album n’est annoncé, et le groupe ne joue d’ailleurs aucun inédit : son prestige est tel qu’il n’a même pas besoin d’avoir une “actu” pour attirer les foules (le groupe tourne tous les ans, mais assez peu en France). Parler d’envoûtement ne semble pas excessif dans son cas, et en termes de musicalité, de son et de puissance émotionnelle, ces quelque 75 minutes furent plusieurs coudées au-dessus de tout le reste.

Portishead 2

Bien sûr, Portishead ne serait qu’un très bon groupe – ce qui n’est déjà pas rien – sans la voix exceptionnelle de Beth Gibbons, qui semble n’avoir pas beaucoup bougé en vingt ans. “Silence”, “Wandering Star”, “Machine Gun”, “Glory Box”, “The Rip” : les morceaux de bravoure se succèdent, chacun plus beau et intense que le précédent, et même la pluie finit par déclarer forfait. D’étranges séquences d’animation défilent sur les écrans, se mêlant à des images du groupe brouillées, comme captées par des caméras de surveillance. Sur la longue fin instrumentale du dernier morceau, “We Carry On”, la frêle Beth descend comme à son habitude vers le public pour y quêter une clope : cette musique qui semble venue d’un autre monde est avant tout passionnément humaine.

Portishead

Ne les ayant jamais vus sur scène, on était assez curieux de découvrir enfin Fauve. Sans surprise, le public des premiers rangs est plutôt jeune, et ses joues sont parfois ornées du logo du groupe (le fameux “égal barré” dont on n’a toujours pas trouvé le raccourci clavier). Le “chanteur” les appelle “la famille”, et si on avait mauvais esprit, ça nous évoquerait la mafia, voire la Manson Family – prochaine étape, la secte ? Même si on reste un peu extérieur au phénomène (question d’âge, sans doute), il faut reconnaître que le groupe, rompu à l’exercice du live, est plutôt impressionnant, que certains morceaux (“Infirmière”, “Kané”) font mouche, et que le lien de proximité qu’il a su établir dès ses débuts avec ses fans ne s’est pas dilué à mesure qu’il jouait sur des scènes de plus en plus grandes. En revanche, au-delà du parlé-chanté et des textes qui le distinguent, sa singularité paraît aujourd’hui moindre ; d’ailleurs, les garçons de Fauve, qui ont commencé en organisant eux-mêmes leurs concerts parisiens à la façon d’une résidence artistique, font aujourd’hui la tournée des festoches comme n’importe quel Shaka Ponk.

Fauve

Après une journée de pluie quasi continue, on n’a pas vraiment l’énergie pour subir pendant une heure les assauts soniques de Gesaffelstein. On tiendra quand même une demi-heure, assez bluffé par un habillage visuel très épuré, parfaitement raccord avec l’électro martiale du Lyonnais.

Gesa

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