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Girls – Album

GIRLS – Album
(True Panther/ PIAS) [site] – acheter ce disque

GIRLS - AlbumAlors que n’en finissent pas de pulluler les médiocrités au sommet des tops ventes de la Fnac, les californiens de Girls sont en train de bouleverser gentiment le paysage underground, nous offrant leur romantisme débraillé dans un écrin de pop lunaire. Mélangeant classicisme pop et bricolage lo-fi. Brassant tout ce que la pop a produit de plus exaltant depuis les Beach Boys jusqu’à the Jesus and Mary Chain en passant par Suede ou Felt, cet "Album", véritable sucrerie toxique, est indéniablement l’événement de la rentrée, au-delà du phénomène hype dont il est l’objet.

Girls est le fruit d’une amitié entre Christopher Owens, auteur de toutes les paroles et mélodies, et Chet Jr White, producteur et metteur en son. Arrivé à San Francisco à l’âge de 25 ans, Christopher Owens a été dans un premier temps guitariste de Holy Shit, le groupe de Matt Fishbeck et Ariel Pink. C’est au retour d’une tournée européenne qu’il décide de fonder avec sa copine le groupe Curls. Mais le projet se termine par une rupture et un cœur brisé, la demoiselle qualifiant les chansons de Christopher Owens de "merdiques". Soutenu par son ami Chet Jr White qui lui propose de produire ses chansons, Christopher reprend le projet sous le nom de Girls (respectant ainsi l’effet percutant initial). Devant l’énorme succès myspacien de "Lust for Life" – ce tube (de l’année ?) à la rythmique imparable – tout semble s’enchaîner pour les deux acolytes. Première découverte foudroyante pour le public français au MIDI-Festival en juillet 2008. Nos collègues de "Magic" qui, alimentant la rumeur un mois avant la sortie de l’album, s’empressent de relayer cette micro-révolution. Mais qu’en est-il finalement de cet "Album" au nom curieusement banal ? Les chansons, d’une simplicité et d’une sincérité troublantes, parlent d’elles-mêmes et c’est ce qui nous touche le plus avec cette formation à l’appellation d’une stupéfiante évidence. Girls ! Car les "filles" sont bel et bien le thème central et obsessionnel de l’album. Et plus précisément la détresse amoureuse, dont elles sont souvent la cause. Chacun des douze titres raconte sa propre histoire. Chaque histoire s’accompagnant d’une émotion particulière. "Lust for Life", ou cette lancinante rengaine sur la folie et l’aliénation provoquée par le douloureux sentiment de manque amoureux. L’erratique sensation de misère sentimentale laissée par "Ghost Mouth". Le désespérant appel à l’amitié après la rupture de "Laura". L’abrasif "Hellhole Ratrace" et sa quête d’un bonheur retrouvé en forme de spleen éthéré.

Pour rythmer ces tristes complaintes, nos deux complices (désormais accompagnés par le batteur Garett Godard et l’impeccable guitariste John Anderson, également meilleur sosie de Owens !), parviennent à mêler gracieusement une multitude d’illustres influences. On passe ainsi d’une sorte de Jan & Dean sous acide ("Big Bad Mean Mother Fucker") à l’évocation des guitares cristallines de Felt en forme de blues planant ("Headache"). Il en va de même pour la voix géniale de Christopher Owens, changeante à souhait, passant d’une fragile androgynie légèrement putassière rappelant le Bowie de 1971 ("God Damned") à une voix de crooner située entre Lawrence Hayward et Jarvis Cocker ("Headache"). A d’autres moments, on se croirait revenus à la fin des années 80, où les voix se trouvaient camouflées sous un brouillard de guitares shoegaze ("Morning Light", "Summertime"), ou encore à l’âge d’or d’une certaine pop gorgée de soleil californien (le gimmick de batterie de "Be My Baby" utilisé en intro de "Ghost Mouth", les harmonies vocales sur "Lust for Life" et "Laura"). Ce gigantesque pot-pourri aurait pu n’avoir aucun sens mais ici les chansons, aussi contrastées soient-elles, s’imposent avec une simplicité et un naturel déconcertants. En se faisant porte-parole authentique de toutes ces influences hétérogènes auxquelles il rend hommage, Christopher Owens prolonge et incarne le mythe du romantisme adolescent. Et ce sans mise en scène ni complaisance, mais avec l’enthousiasme le plus beau et le plus innocent, renouant ainsi avec une sincérité rarement entendue depuis Roy Orbison, Brian Wilson ou même Daniel Johnston et Dan Treacy, et toute l’époque du Doo Wop. Ajoutant à cela l’élément biographique d’une jeunesse bafouée (nous ne reviendrons pas ici sur l’épisode de son enfance instable), alors nous pouvons dire sans concession (en référence au clip original de "Lust for Life") : "Kurt Cobain, River Phoenix, James Dean, Felt… Christopher Owens" ! Long life to the beautiful losers…

Sébastien Jenvrin

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Lust for Life
Laura
Ghost Mouth
God Damned
Big Bad Mean Mother Fucker
Hellhole Ratrace
Headache
Summertime
Lauren Marie
Morning Light
Curls
Darling

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