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Disques

Jesu/Sun Kil Moon – 30 Seconds To The Decline Of Planet Earth

Jesu/Sun Kil Moon - 30 Seconds to the Decline of Planet Earth

Il va trop vite pour moi, Mark. Je n’ai pas encore eu le temps de choper tous ses disques, j’ai même loupé le dernier Sun Kil Moon solo de l’année (« Come As Light And Love Are Red Valleys Of Blood ») et je n’ai pas pris le temps de descendre dans sa « Yellow Kitchen » avec le type de Parquets Courts (le bassiste, Sean Yeaton donc). Disons que ce dernier disque ne m’a pas laissé un goût de reviens-y alors que ce second Jesu/Sun Kil Moon casse la baraque. J’avais pourtant d’énormes réserves sur le premier mais je suis hyper enthousiaste sur cette nouvelle collaboration. Faisons le deuil des déflagrations électriques, il n’y en a pas ici, ne crachons pas sur les instrus aux claviers hyper répétitifs et électro, faisons les nôtres. Comme Mark. Puisqu’il faut se résoudre à écouter de longs passages de spoken word pour ce journal super intime et ses multiples digressions, il est nécessaire que ça se répète. Et plus la musique se fait minimale, plus cela fonctionne. Le flot de Mark est hyper rythmé, il est la mélodie que l’on suit, telle un pur jeu de jambes de boxeur, pour faire dans la comparaison Kozelekienne.

Autre raison de se réjouir, « 30 seconds to the decline of planet earth » est plus qu’un état des lieux de la vie de Mark en tournée, de l’avènement de Trump (« The Greatest Conversation Ever ») ou des attentats qui nous pourrissent la vie (« Bombs »), c’est un disque qui pue la mort, le temps qui passe trop vite et qu’il faut retenir. Des morts, on en croise énormément :  Mickael Jakson (« He’s Bad »), Lou Reed et Muhamad Ali (« The Greatest Conversation Ever »), Leonard Cohen, à nouveau le fils de Nick Cave et même le réalisateur de teen movies John Hugues (le tout, sans prix de gros, dans « Hello Chicago »), dont on apprend au passage qu’il a financé « Songs For A blue Guitar » de Red House Painters.

Et pourtant, malgré tous ces morts et ces pas encore enterrés (le père de Mark dans « You are me And I are you », nouvelle ode au pater familias), plus un Mark éprouvant des difficultés à se maintenir en forme au tournant de ses 50 ans, ce disque respire la vie, à l’image de cette jeune junkie fan de Disney World (« Needles Disney », hip hop rock à la Wu Tang Clan), qui s’en sort, des années après, malgré tout. On ressort de ces « 30 seconds to the decline of planet earth », plein d’humour et de belles choses, revivifiés et c’est peut-être le plus inattendu !

Les chœurs de Wroclaw et l’intervention de l’ingé son : « Mark, sorry to stop you but I think it is getting a little bit too long » sur « Bombs » ou, dans « Wheat Bread », l’histoire des deux gothiques qui partageaient le lit de Kozelek après un show et qui fuient à 4h du mat’ en disant : « There are four of us in here, we are leaving » (peut-être ont-elles vu le diable, ou une succube si ce n’est le loup…) font partie des mini-événements qui illuminent le disque.

« 30 seconds to the decline of planet earth » est aussi plein d’amour, que ce soit sur l’épique « Wheat Bread » et ses 15 min qui méritent non pas d’être citées in extenso mais écoutées de bout en bout : « I love even the haters and the alligators Mmmmm aw man blackened alligator that’s the fucking best ». Autre feel good song, qui vaut The Breakfast Club, « Twenty Something » qui sur un doux air de Callahan, avec les chœurs de Wroclaw encore mis à contribution (à moins que ce ne soit ceux d’Austin ?), relate l’échange entre Mark et un jeune écrivain arty, Johnny St Lethal. L’échange aurait pu (dû?) virer au vinaigre parce que l’écrivain fut fort bruyant pendant le concert mais Saint Mark préfère l’encourager et lui souhaiter le meilleur. On est loin des chœurs larmoyants d’ »Exodus » sur le disque précédent…

Réjouissons-nous puisque les hipsters n’ont pas encore jeté l’oreille sur « The Greatest Conversation Ever » qui relate, entre autres, une soirée chez Dame Laurie Anderson et Sir Lewis Reed, ou « He’s Bad », épitaphe pour Mickael Jackson en forme de bashage, tube Sun Kil Moonien s’il en est. Ce disque est nôtre.

« A dream of winter » termine le disque en pattes de chat sur un lit : arrivée des cinquante ans, de Noël, conclusion d’une année de tournée marathon en journées cosy sur un arpège de guitare lumineux.

Wow ! C’est pas beau tout ça ?

On aime aussi toutes les petites attentions de productions qui soulignent le propos ou scandent le disque : la multiplication des pistes de voix pour exprimer la fatigue des questions de fans en tournée (« Wheat Bread » encore) ou la présence du Diable, le Jeu sur les licenciements Trumpiens avec ses répétitions et son fade out sur « The Greatest Conversation Ever », ou encore les claquements de doigts et les grésillements sur Bombs qui viennent surprendre le punch vocal de Kozelek.

Une fois de plus, c’est du grand, grand art pour un disque un peu passé en dehors des radars (Pitchfork où es-tu ?) et qui mérite définitivement plus d’exposition et d’écoutes.

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