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Disques

Jonathan Richman – SA

Jonathan Richman - SA

Dans le genre du phénix musical, Jonathan Richman se pose là. Ses mues sont le plus souvent discrètes mais bien présentes pour qui veut tendre l’oreille. On perd un peu le fil (avec une parution en ligne fin octobre 2018 mais en vinyle seulement en ce début d’année) mais, si on veut bien croire les archivistes d’internet, Jonathan doit avoir enregistré avec celui-ci quelque chose comme son 17ealbum et, bien que toujours prolixe sur sa vie et ses sentiments, force est de constater que l’animal nous échappe pourtant encore pas mal. Résumons un peu et tentons de rassembler quelques faits. 

Deux (presque) nouveautés : tout d’abord, la publication et la vente de chansons et d’objets dérivés sur un nouveau label, depuis « Ishkode ! Ishkode ! », Blue Arrow. On imagine une entreprise familiale ou amicale, vaguement artisanale et dédiée au maître baladin vieillissant. Vieillissant mais toujours vert, en témoigne une passion quasi déclarée, du moins plus que suggérée, et ce sera le deuxième point, pour une certaine Nicole Montalbano qu’on doit bien l’avouer, on sentait pointer depuis quelques albums (elle est et était donc LA femme de ses dernières années, celle de « Outside O’ Duffy’s »). La figure s’est incarnée et elle prend même une place, sinon une part active aux tableaux musicaux du maître, ici au tambura et même en temps qu’initiatrice, ou passeuse, via un livre sur un maître yogi, Ramakrishna, donnant ainsi une direction et une couleur indienne à tout Sa, comme « Ishkode ! Ishkode ! » lorgnait sur les Natives American, comme ils disent. Pas de prêchi-prêcha pour autant, comme le raconte Jojo dans les notes de pochettes, c’est un maître bien tempétueux, oublieux de ses ragas et plus occupé à transmettre ses enseignements par sa vie tumultueuse et par des historiettes que par un étalage savant. Humain trop humain. Et on comprend que tout cela passionne Richman pour qui la balade vaut le détour surtout (seulement) si elle véhicule cette énergie mystique essentielle. D’où le Sa, Aum musical et sa sauce raga, avec une certaine tendance au vagabondage au sein des titres, dans un psychédélisme de vieux bon aloi et des indienneries qui rappellent d’autres petits scarabées sur la route du Kashmir à la recherche de fraises, pour toujours.

C’est un éternel retour que nous propose Jonathan, véritable serpent mythique se mangeant la queue, avec un « The Fading of an old world », réactualisation du « Old World » de ses Modern Lovers, sans cesse remanié, notamment sur album depuis « Because her beauty is raw and wild », et ici d’autant plus intensément que l’amant moderne Jerry Harrison a été convié à jouer du mellotron dessus. Quant à Allan Mason, l’ingé son derrière « Girlfriend » et « Modern World », il fut aussi réquisitionné pour mettre la main à la patte, comme au bon vieux temps.

Il n’y a pas que des relectures, « Alegre Soy ! » continue d’explorer l’hispanophilie, les écarts de sentiments et autres états d’âme entre adolescence et âge mûr qu’on pouvait déjà lire et entendre dans « I’m so confused » (« 19 in Naples » entre autres). Sans oublier, évidemment, cette passion pour l’expression dans d’autres langues que la sienne. Respect et curiosité pour l’autre et l’ailleurs.

Sur ce plan, on est plutôt servi, avec un avantageux décalage vers l’orient et ses poésies (et traductions !), inexplorées jusqu’à présent, avec trois titres : « O Mind, let us go home », « This Lover’s lane is very narrow » et « And do not other thing » aux structures flottantes portées par tamboura, sitar et harmonium.

Enfin, car tout n’est jamais totalement rose chez Richman, « Yes Take me home » laisse place à l’abandon, via le prisme canin, une fois de plus et « The Sad Trumpets of Afternoon » résonnent à la fin et donnent une tonalité un peu sombre à l’album qui, comme les précédents, laisse un goût de testament en cours de rédaction, avec ses jeux d’échos de plus en plus prononcés et son exaltation de la vie et de ses cycles qui, s’il sont toujours renaissants, sont aussi finissants.

Il vieillit le Jojo et nous, bah, on vieillit aussi, avec lui.

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