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Disques

Loney Dear – A Lantern and a Bell

Retour du musicien suédois avec un disque bref et intimiste tournant autour de l’univers marin, construit autour du piano et de sa voix. Peut-être l’aboutissement de l’exigeante quête musicale et sonore d’Emil Svanängen.

On avait découvert Emil Svanängen, alias Loney, Dear (la virgule a sauté depuis), en 2006 avec deux albums aux titres francophiles, “Sologne” et “Loney, Noir”. Si ses précédentes tentatives autoproduites n’avaient pas franchi les frontières de la Suède, cette paire de disques avait alors bénéficié de l’engouement général pour la riche scène scandinave, qui parlait la pop et le folk sans accent. Tiré de “Sologne”, le morceau “The City, the Airport”, avec son irrésistible montée vers un refrain exultant, faisait office de petit tube potentiel. Mais c’était aussi l’arbre qui cachait la forêt (de sapins ?), la musique de Svanängen s’avérant dans l’ensemble plus mélancolique, moins primesautière. De fait, la suite aura manqué de chansons aussi accrocheuses et l’intérêt se sera émoussé à mesure que les publications discographiques s’espaçaient.

En 2017, un album simplement intitulé “Loney Dear” venait rompre un silence de six ans et affirmait une nouvelle direction musicale. Boucles synthétiques, nappes ambient, expérimentations rythmiques… Le disque sortait sur Real World, le label de Peter Gabriel, et ce n’était peut-être pas tout à fait un hasard. Le nouveau, “A Lantern and a Bell”, toujours dans la même maison, s’inscrit dans la lignée atmosphérique du précédent, mais avec une optique plus minimaliste (jusque dans sa durée, moins de 28 minutes). Il se veut plus ou moins conceptuel, tournant autour de la fascination d’Emil – déjà perceptible sur ses disques précédents – pour l’univers maritime. La pochette, dont les figures géométriques répondent au triangle jaune de “Loney Dear”, montre d’ailleurs ce qui ressemble au pavillon d’un bateau. De la mer, le musicien
dit dans le communiqué de presse : « Cela représente une partie importante de ma vie intérieure,
peut-être aussi un rêve romantique d’aventures et, en même temps, une phobie, un danger qui m’attire malgré moi. Près de là où j’habite, des cargos passent tous les jours. Le son de leurs moteurs me rentrer dans la tête,
puis dans ma musique. »

L’album a été réalisé par lui-même et son collaborateur de longue date Emanuel Lundgren dans leur studio de l’île de Södermalm, à Stockholm. L’idée était de faire simple, en utilisant peu d’instruments (essentiellement un piano diffus ou un orgue, une contrebasse, quelques cordes et des sons marins déformés), en privilégiant les tempos lents et en mixant la voix en avant. Ainsi mis à nu, le falsetto d’Emil avait rarement été aussi troublant, voire déchirant par moments. Musicalement, Loney Dear s’est encore éloigné de sa première manière pour creuser un sillon très personnel. On y entend, comme filtrés par une brume marine, des échos de standards américains, de musique sacrée ou de jazz scandinave édité par le label ECM, souvent sur un même morceau. C’est très beau, avec une fragilité qui empêche justement cette beauté d’être écrasante, et une tension sous-jacente qui contraste avec l’impression de statisme et de placidité. Emil Svanängen considère qu’il s’agit des meilleurs enregistrements de sa carrière et on ne peut pas lui donner tort. Espérons que ce disque îlien, destiné à une écoute solitaire (de préférence au casque pour une parfaite immersion), saura toucher un continent d’auditeurs.

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