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Interviews

Major Deluxe – Interview

MAJOR DELUXE

Le groupe belge Major Deluxe débarque en France dans la foulée de l’élégant "Skyline Society" sorti il y a peu dans notre pays sur le label de Bertrand Burgalat, Tricatel. Sébastien Carbonelle, le chanteur du groupe a bien voulu répondre à quelques questions avant de boucler sa valise…

Major Deluxe, par Peggy Schillemans

Une question stupide (mais bon…) pour commencer : peux-tu nous expliquer l’origine de ce nom, Major Deluxe, et comment s’est formé le groupe ?
Quelques-uns d’entre nous se connaissaient depuis longtemps, on jouait depuis quelques années dans d’autres groupes. Quand j’ai commencé à écrire des chansons, nous nous sommes réunis pour les jouer ; d’autres musiciens rencontrés au gré du hasard se sont joints à nous par la suite. Sans compter le nombre de musiciens invités qu’il y eut sur l’album, nous avons compté jusqu’à huit membres permanents dans le groupe. C’est pour cela que j’aime souvent parler de collectif à notre sujet. Ce terme correspond en tous cas à ma vision des choses en termes d’unité effective de création. Quant au nom du groupe, tu dois savoir que trouver l’enseigne par laquelle identifier ton projet n’est pas chose simple. Nous sommes passés par plusieurs autres phases avant de tomber sur Major Deluxe. Je me rends compte aujourd’hui que ce nom peut paraître intriguant pour certains, mais je lui attribue cette faculté de faire écho à notre musique par certains aspects, et notamment je pense à la recherche à laquelle nous nous appliquons pour les arrangements. Ce nom offre aussi l’avantage d’être dicible aussi bien en français qu’en anglais, ce qui est commode pour nous autres Belges francophones.

Quand on farfouille dans le code source de la page d’accueil de votre site, on peut lire ça :
"psychedelic disco-folk western pop music influenced by Lambchop, Pink Floyd, The High Llamas, Bertrand Burgalat, Caravan, King Crimson, Jim White, Mellow, Stereolab, Stevie Wonder".
C’est rare, un groupe qui se présente autant par ses influences. C’est un truc de rock-critic, ça non ?
Cette liste est beaucoup trop courte, mais le code source est assez limité ! Sur notre website, nous avons créé une section "discothèque" où s’affichent en guise d’introduction minimale une centaine de pochettes de disques qui furent et resteront des références pour nous. Car à vrai dire, ce que j’ai pu remarquer en exerçant l’activité de journaliste musical, c’est que bien peu de groupes reconnaissent – ou sont conscients – de leurs influences. J’ai souvent été frappé par la véhémence avec laquelle certains se défendent d’avoir été influencés par telle ou telle musique, et ce d’autant plus que dans mon cas, j’ai toujours accepté l’effet d’imprégnation des musiques que j’aime sur ma pratique artistique. Notre façon d’énumérer les groupes de référence correspond donc plutôt à la volonté de donner une définition élargie de notre musique, une façon même de se différencier de ces pairs ; car comme tu le soulignais d’ailleurs dans ta chronique : nous ne saurions prétendre que notre musique ressemble plus à High Llamas qu’à Stevie Wonder ! Dans un groupe comme le nôtre, dont les musiciens viennent d’horizons musicaux fort différents, ce tableau peut également servir de biographie musicale…

Vous avez mis du temps à enregistrer cet album. Qu’est-ce qui explique cela ?
Outre le fait que nous sommes mus par une incontinente volonté de recherche et d’évolution dans nos titres, avides de mélodies et de sonorités d’instruments multiples, je pense que nous avons quelque part subi les effets de plusieurs syndromes liés à la réalisation d’un premier album : doutes et remises en cause, problèmes de gestion technique, et une certaine peur de poser la touche finale… Mais dans un sens, nous interprétons cela aussi de manière positive aujourd’hui puisque ces aléas ont également été déterminants dans le résultat final de cet album, et l’important reste que nous y retrouvions complètement.

Il y a sur vos morceaux à la fois un travail du détail très pointilleux et un jeu sur la durée des morceaux, c’est une volonté consciente ? C’est difficile à faire ?
Deux choses. Le souci du détail, c’est certain, qui tient à ce plaisir que nous partageons d’écouter mille fois un disque et d’y découvrir toujours des surprises. Pour la longueur des titres, je ne connais pas la réponse exacte, je ne puis fermement affirmer ce qui nous pousse à faire de la sorte, mais mon inconscient y voit de nombreuses possibilités : l’influence entre autres des groupes psychédéliques ou progressifs ; la sensibilité cinématographique, l’évocation d’images en musique et la volonté d’une certaine narrativité, un côté road movie assumé ; puis sans doute aussi la possibilité de donner libre cours à nos envies d’arrangements ; enfin probablement, la longueur fait appel à cette conception qui requiert qu’on se donne le temps pour écouter de la musique, la nécessité d’une disponibilité qui se perd de nos jours, écrasée entre la pression consommatrice du monde moderne et le dilemme d’un choix entre toutes les bonnes musiques auxquelles nous avons aujourd’hui accès. Je préfère que peu de gens nous écoutent, pourvu qu’ils soient prêts à nous donner le temps nécessaire.

Comment se passe la transposition sur scène de ce travail de titan en studio ?
Ce ne fut pas très facile au départ, d’abord parce que notre démarche de groupe avait été principalement orientée vers une finalité d’enregistrement jusque-là. Et terminer le disque nous plongeait dans une sorte de rigidité du modèle "album". Les choses se sont grandement modifiées lorsque nous avons enfin pu clairement identifier notre disque comme un projet fini, et l’arrivée de notre nouveau bassiste Samuel nous a aussi permis d’envisager le live avec plus de liberté et de confiance. Aujourd’hui, nous nous y sentons bien ! Je suis heureux que la formule trouvée rende à mon sens justice à ce que l’on propose sur l’album, mais avec l’énergie et la spontanéité que requiert le live.

Quel accueil attends-tu en France lors de cette tournée ?
Nous sommes toujours très heureux de jouer live. Que le public soit belge ou français, on ne sait jamais quelle va être sa réaction. Je n’attends rien d’autre au fond que de ces moments musicaux à partager avec des gens, et aussi entre nous.

Est-ce que ça va t’agacer si le public ou les médias parlent de "scène belge" ?
Pas vraiment, mais je ne pourrais m’empêcher de penser que c’est un raccourci qui ne dit rien du fond de la chose et qui ne parle surtout pas de notre musique. Ici en Belgique, comme ailleurs, il n’y a pas deux groupes qui jouent la même musique, et je pense pouvoir dire que nous nous distinguons même plus encore par notre style. Alors l’étiquette belge ne m’intéresse pas.

Major Deluxe, par Peggy Schillemans

Tu chantes en anglais. Du coup, tu "sous-traites" en partie les paroles. Est-ce que cela ne te pose pas problème de chanter des paroles qui ne sont pas les tiennes ? Dans une langue qui n’est pas la tienne ?
L’idée de chanter dans une autre langue que l’anglais m’a jusqu’ici parue impossible. C’est dans le répertoire de cette langue que se situe la plus grande partie de ma culture musicale, et je pense bien ne pas être le seul à avoir choisi cette voie. Du coup j’ai demandé à un ami américain s’il acceptait de collaborer avec moi en écrivant des textes avec lesquels j’ai composé des chansons. Ce qui représente une moitié des textes de l’album. Au contraire d’un problème, cette collaboration et réappropriation m’ont paru intéressantes… Combien de talentueux Hal David / Burt Bacharach et autres fameux duos compositeur / parolier ? Pour ce qui est des textes que j’ai écrits moi-même, je n’ai jamais voulu viser à l’orthodoxie de la langue anglaise. Je pense qu’il n’y a pas de sacrilège à l’utilisation approximative d’une langue. Et quel meilleur lieu pour cela qu’une chanson ? De par son modèle mélodique, cette connivence avec les aspects chantants de la langue, et sa portée intrinsèquement poétique. J’utilise donc dans Major Deluxe des phrases qui sont peut-être trop empruntées à la façon de penser française, mais qui se démarquent ainsi également d’un modèle précis de chanson de langue anglaise. Plutôt que de plagier un modèle qui n’est de toute façon pas le mien, j’assume le fait que, non, l’anglais n’est pas ma langue maternelle mais seulement celle que j’ai choisie pour mes chansons.

Comment s’est passée la rencontre avec Burgalat ?
Bertrand étant quelqu’un que nous respectons beaucoup musicalement, et dont l’influence fut certainement parmi les plus déterminantes sur notre musique, il nous a paru tout naturel de lui envoyer l’album. Quelle surprise, ce petit matin-là, d’être réveillé par un coup de fil de Bertrand Burgalat qui nous faisait part de son admiration pour notre album. La suite : le T magistral qui figure sur notre album aujourd’hui nous rend fou de joie.

Vous avez fait un (beau) clip, votre musique a naturellement des côtés assez cinématographiques. Est-ce que vous avez des projets qui marieraient les deux aspects, musical et visuel ?
C’était plus un rêve qu’un objectif. Les budgets pour réaliser ce genre de projets sont assez colossaux. Mais nous en avons eu l’opportunité grâce la mobilisation personnelle de chacun, de l’équipe de réalisation et des institutions qui nous ont soutenus notamment.

Est-ce que tu as déjà des idées pour le prochain album de Major Deluxe ? Des collaborations, des pistes musicales… Ou alors est-ce que vous laisserez faire le hasard des rencontres ?
Les chansons sont là, en partie du moins, nous en jouons déjà plusieurs sur scène. Et oui, j’ai pas mal d’idées pour les collaborations et les contributions. Le choix sera guidé, comme la première fois, par l’envie et certainement encore par le hasard… Mon seul espoir est que nous puissions donner une consistance artistique qui nous satisfasse plus rapidement que la première fois, même si j’espère aussi que nous n’abandonnerons jamais rien sans en avoir la certitude.

Propos recueillis par Guillaume Sautereau.
Photos par Peggy Schillemans [site].

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