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Concerts

Martin Carr, Thousand Yard Stare, The House of Love, le 10 novembre 2018 à la Roundhouse (Londres)

Pour Mikhaël Hers

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Londres, 10 novembre 2018, 18h. Dans l’agréable bar de la Roundhouse, où l’on s’est mis à l’abri de la pluie battante devant une bonne pinte, la sono passe en sourdine une sélection new wave et indie de haute volée. On reconnaît The The, Echo and the Bunnymen, The Chills et même, par moments, le groupe en tête d’affiche de la mythique salle londonienne ce soir-là : The House of Love. Devant l’absence de dates françaises, on s’est décidé à aller passer un week-end dans la capitale anglaise pour voir enfin sur scène cette formation qui a bercé la fin de notre adolescence (et dont on écoute encore avec plaisir certains disques), et qui termine là une minitournée britannique de six dates célébrant les trente ans de son premier album sans titre. Une soirée de nostalgie, donc, mais surtout de très bonne musique et de vives émotions.

Quand on entre dans la salle, celle-ci est encore quasiment vide. Alan McGee, l’ex-boss de Creation (le label des débuts de House of Love ; il fut aussi leur manager), est aux platines au fond de la scène, et se fait plaisir en passant de la soul 60’s, les La’s ou Sly Stone. Il semble bien loin, et on redescend vite pour échanger son billet balcon contre une place en fosse, afin de pouvoir être beaucoup plus près des musiciens qui vont se succèder. Le premier est un autre pilier de Creation, l’ex-Boo Radleys Martin Carr (en trio), quasi-sosie de McGee à l’époque où celui-ci avait encore plein de cheveux. Son court concert, conclu par une curieuse version de “Lazarus”, semble avoir surtout pour fonction de chauffer la salle. Au moins les conditions sont-elles bien meilleures que la dernière fois qu’on l’avait vu, dans la cave du Pop In (nos acouphènes s’en souviennent)…

Les changements de plateau ne traînent pas, et McGee a juste le temps d’enchaîner quelques CD que les suivants débarquent déjà. Pour se souvenir en 2018 de Thousand Yard Stare, sympathique groupe de L2, il faut sans doute avoir écouté au début des années 90 l’émission de Bernard Lenoir, qui passait souvent le sautillant single “No Score After Extra Time”. Ce sera le point d’orgue de leur concert d’une dizaine de titres parcourant leur brève carrière (quelques EP puis deux albums, classique), faisant légèrement pogoter quelques spectateurs, visiblement des amis à eux.

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On entendra aussi “Comeuppance”, leur plus gros succès (tout est relatif), dans une veine plus atmosphérique/baggy/shoegaze. Rien de foncièrement génial, mais les cinq musiciens (et même six puisque le batteur laissera les baguettes à son prédécesseur pour deux morceaux, dans un esprit très famille) semblent vraiment s’éclater – notamment le chanteur moins touché par l’alopécie que ses comparses – et jouent impeccablement. Très bon moment.

La tension monte d’un cran dans la salle désormais bien remplie, alors que les techniciens procèdent aux derniers réglages. Il est environ 21h15 quand les quatre membres de House of Love (les originels Guy Chadwick, Terry Bickers et Pete Evans, plus le bassiste Matt Jury, présent depuis la reformation) montent sur scène avec un peu d’avance sur l’horaire prévu, au son de “The Hill”. Une face B des débuts, chantée par la belle Andrea Heukamp qui quittera le groupe peu de temps après pour retourner en Allemagne.

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Comme prévu, le concert démarre par le grandiose “Christine”, premier morceau du premier album qui sera joué en intégralité – à l’exception de “Happy”, curieusement. Le groupe prend encore ses marques, mais Bickers, très en forme, nous gratifie déjà de quelques mémorables parties de guitare sur “Road”, “Love in a Car” ou “Touch Me”, en s’approchant du bord de la scène. Histoire de nous rappeler qu’il reste certainement l’un des musiciens les plus doués de sa génération, parvenant à marier les efflorescences pyschédéliques avec la concision et la sécheresse du meilleur rock indépendant.

Comme pour symboliser l’union retrouvée après des années de brouille et de dépression, il double par ailleurs les refrains à l’unisson avec Chadwick sur la plupart des morceaux. Moins mobile, guitare rythmique oblige, ce dernier, côté droit, porte le même genre de T-shirt rayé à manches longues qu’il y a trente ans. Sa hargne rentrée, comme s’il chantait les dents serrées, est peut-être un peu moins intense qu’à l’époque, mais fait toujours son effet tant l’homme paraît habité par sa musique – ce qui n’empêche pas quelques sourires et une certaine décontraction. Pour un groupe longtemps réputé bruyant, le volume sonore est tout à fait raisonnable, ce qui n’est pas toujours le cas outre-Manche, et le son très correct malgré une acoustique pas forcément optimale (la salle a une structure métallique).

Peu de communication apparente au sein du groupe, à peine plus avec le public (si ce n’est des remerciements sincères à la fin), et pourtant l’émotion est palpable de part et d’autre. Chadwick, qui a dépassé la soixantaine, et à qui on prédisait lors de la signature de THOL chez Fontana un succès massif (et donc une revanche sur le destin), semble enfin apaisé, et simplement heureux de pouvoir presque remplir aujourd’hui une salle de 1700 places. A l’exception de deux extraits du dernier album, la setlist se concentre sur les premières années (1986-90, en gros), avant que Bickers ne se fasse virer du groupe (l’histoire complète est racontée ici).

Un mélange parfait de chansons des tout débuts (“Flow”, “Plastic”, “Nothing to Me”), de ballades sublimes (“Blind”, “Phone” – génie des titres courts) et de classiques inaltérables : “Marble”, “Hannah”, “Beatles and the Stones”… On atteint un pic juste avant le rappel quand le groupe, qui tourne désormais à plein régime, abat à la suite trois cartes maîtresses : “I Don’t Know Why I Love You”, tendu et puissant, “Safe” (j’avoue avoir hurlé de joie en reconnaissant le premier accord de mon morceau préféré, plus belle démonstration du génie bickersien ; vidéo ci-dessus) et l’immarcescible “Destroy the Heart”.

Le rappel de trois titres se terminera en apothéose, par “Shine on”, bien sûr. Au terme de plus d’une heure et demie de concert sans aucun temps faible, l’évidence s’impose : grand groupe en 1988, The House of Love l’est toujours en 2018. De ceux qui méritent qu’on traverse le Channel pour eux.

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